Les autres témoignages païens
Un témoignage retrouvé récemment
Il s ‘agit d’une lettre de Bar SARAPION, historien syriaque non chrétien qui écrivit en 73 après Jésus-Christ une lettre à son fils, étudiant à Édesse dans le nord de la Mésopotamie.
" Les juifs ont exécuté leur sage roi, qui a tenté de leur donner de nouvelles lois ".
Mais l’absence de détail plus précis empêche d’identifier avec certitude " ce sage roi " au Christ.
Les événements cités dans les Évangiles
Les mages
CALCIDIUSou CHALCIDIUS, auteur grec d’un Commentaires sur le Timée de Platon au IVème siècle. C’est peut-être un auteur chrétien puisqu’il dédicace son œuvre à Hosius, évêque de Cordoue mort en 358 ou haut personnage de Milan dont nous avons conservé l’épitaphe (395). En tout cas, sur le fond, il utilise les travaux de commentateurs païens plus anciens, entre autre NUMENIOS d’Apamée (IIème siècle) et PORPHYRE de Tyr en Palestine (232 – environ 305).
" Il y a une autre histoire bien plus sainte et vénérable, qui annonce l’apparition d’une certaine étoile prédisant, non des maladies et des trépas, mais la descente sur la terre d’un Dieu vénérable, qui viendra converser avec les hommes et les secourir. Des hommes sages parmi les Chaldéens, qui étaient savants dans l’étude des astres, suivirent cette étoile, et furent conduits vers un enfant entouré de la majesté divine. Ils le vénérèrent et lui offrirent des présents convenables "
Le massacre des innocents
MACROBE est un auteur latin païen ayant exercé des fonctions importantes dans l’administration romaine : vicaire des Espagnes en 399 et proconsul d’Afrique en 410. Ses Saturnales en sept livres décrivent un banquet académique où sont abordés différents sujets historiques et philologiques, en particulier sur Virgile.
MACROBE, Saturnales, Livre II, chapitre 4 :
" Lorsque Auguste eut appris qu’Hérode, le roi des juifs, avait donné l’ordre de faire mourir tous les enfants de Syrie nés depuis deux ans, et qu’il n’avait pas épargné son propre fils, il dit : Il vaut mieux être le pourceau d’Hérode que son fils. "
- Même précision sur l’âge qu’en Matthieu 2,16.
- Détail ironique, quelques années auparavant, Auguste avait accordé au sanguinaire Hérode l’autorisation de faire mourir trois autres de ses fils, en 7 et en 4 avant Jésus-Christ.
Les ténèbres de la Passion
EUSÈBE de Césarée (v 260 - 340), Chronique :
" Le soleil s’étant éclipsé, les ténèbres couvrirent la terre ; la Bithynie fut agitée par un tremblement de terre, et plusieurs monuments furent renversés dans la ville de Nicée. Toutes ces choses sont en concordance avec ce qui arriva au moment de la mort de Jésus-Christ. Or, PHLÉGON, l’habile calculateur des olympiades, a écrit comme il suit sur ces événements. Il dit dans son quatorzième livre que, dans la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade, il arriva une éclipse de soleil très grande et très étonnante entre toutes celles qui étaient déjà arrivées. Vers la sixième heure, le jour se changea tellement en nuit que les étoiles furent vues au firmament, que des tremblements de terre eurent lieu en Bithynie et que plusieurs bâtiments furent renversés à Nicée ".
PHLEGON : païen originaire de Tralles dans le sud de l’Asie mineure, est un esclave affranchi à Athènes ou à Rome par Hadrien (règne de 117 à 138), et auteur d’une Histoire des Olympiades qui s’arrête en 137 après Jésus-Christ ou 229ème olympiade.
202ème olympiade : de l’été 29 à l’été 32 après Jésus-Christ. Ces événements sont donc datés de l’an 33.
Georges le SYNCELLE
Moine byzantin secrétaire privé du patriarche de Constantinople, Georges le SYNCELLE écrivit vers 800 une histoire du monde sous forme de table chronologique depuis Adam jusque l’empereur Dioclétien (règne de 284 à 305). Il cite abondamment JULES l’Africain ou Sextus Julius Africanus (fin IIème – début IIIème siècle) protégé de l’empereur Septime-Sévère (règne de 193 à 211) qui fut peut-être le premier historien à établir une histoire chronologique du christianisme en cinq volumes qui regroupait la chronologie égyptienne, la mythologie grecque et l’histoire juive.
Voici le texte de JULES l’Africain :
" Tous les actes en particulier accomplis par Jésus-Christ,…nous ont été racontés par les anciens: en particulier, ces ténèbres qui furent répandues sur tout l’univers, ces rochers qui furent fendus par les tremblements de terre, de sorte que non seulement en Judée, mais dans plusieurs autres régions du monde, plusieurs monuments furent renversés sur le sol. Dans le troisième livre de son histoire, THALLUS dit que ces ténèbres furent l’effet d’une éclipse de soleil, mais il se trompe, puisque les Juifs faisaient leur Pâque le quatorzième jour de la lune ; cette planète est alors dans le côté opposé à la terre, et les éclipses de soleil ne peuvent arriver que dans les nouvelles lunes. Soit, cependant, je veux qu’il convainque les incrédules et qu’il regarde comme un prodige cette grande éclipse uniquement par l’effet qu’elle a produit sur les regards : nous saurons aussi que PHLEGON raconte que, sous l’empire de Tibère César, on vit une éclipse de soleil totale pendant que la lune, du côté opposé, était toute rayonnante. On ne peut douter que ce ne soit la même éclipse dont nous nous occupons. Au reste, nous demanderons quelle fut la cause de cette coïncidence extraordinaire en une éclipse, avec un tremblement de terre, avec le brisement des rochers… Les siècles les plus reculés ne nous ont jamais transmis la mémoire de pareils faits. Il faut donc admettre que ces prodiges ont eu leur raison d’être par la mort du maître de la nature. "
THALLUS : païen d’origine samaritaine, peut-être le secrétaire d’Auguste ou un esclave affranchi par Tibère (règne de 14 à 37) et qui vécut au moins jusqu’en l’an 50. Il était l’auteur de Chroniques remontant jusqu’à la guerre de Troie, souvent citées par les auteurs postérieurs.
Outre EUSEBE, de nombreux auteurs chrétiens ont parlé de ces événements, ORIGENE (vers 185-253), MALALAS (vers 491-578), OROSE (Vème siècle) et plus anciennement TERTULLIEN(155-160 – vers 230/240) dans son Apologétique, en latin (vers 197):
" Les païens ont cru que c’était une éclipse, ne sachant pas que cela avait été prédit et devait s’accomplir à la mort de Jésus-Christ. Ceux qui ont recherché la cause de cet événement et qui ne l’ont pu découvrir, l’ont nié. Mais ce fait est certain, et vous le trouverez bien marqué dans vos archives. "
Remarquons plusieurs points :
- Les ténèbres sont présentées par tous ces auteurs comme un fait réel bien connu et non comme une image ou un simple symbole de la puissance du Christ sur la nature. Conformément à la mentalité antique, un phénomène naturel ou surnaturel est ici interprété comme une manifestation divine à l’opposé d’exégètes modernes qui pensent que c’est la croyance dans la puissance divine qui est à l’origine de tels récits. Dans un cas, il s’agit d’un phénomène physique inscrit dans l’histoire (conception réaliste), de l’autre d’une création littéraire à partir d’un concept préalable (conception idéaliste).
- Les faits sont relatés aussi bien par des auteurs païens fort anciens (PHLEGON et THALLUS) que par des auteurs chrétiens avec une pointe de polémique. Il n’y a aucune référence aux textes évangéliques mais une discussion sur des événements connus de tous.
- La coïncidence unique dans l’histoire avec un tremblement de terre dévastateur ainsi que l’impossibilité astronomique d’une véritable éclipse sont soulignées avec une précision remarquable ce qui n’empêche pas les auteurs d’admettre la réalité du phénomène. Cette qualité d’observation et de raisonnement combinés devrait faire réfléchir bien des commentateurs modernes car une éclipse est un phénomène ordinaire bien connu et bien expliqué par les anciens.
- Rappelons enfin que BOSSUET, évêque de Meaux en France de 1681 à 1704, écrivant son Discours sur l’histoire universelle (1681), s’était déjà penché sur cette question et sa conclusion mérite d’être citée : " Les premiers chrétiens qui en ont parlé aux Romains […] ont fait voir que, ni au temps de la pleine lune où Jésus-Christ est mort, ni dans toute l’année où cette éclipse fut observée, il ne pouvait en arriver aucune qui ne fut surnaturelles. Nous avons les propres paroles de PHLEGON, l’affranchi d’Hadrien, cité en un temps où son livre était entre les mains de tous… "
La charité chrétienne
LUCIEN
de Samosate, né vers 120 et mort vers 180 après Jésus-Christ, est l’auteur en grec de nombreuses œuvres, souvent sous forme dialoguée où apparaissent son humour, son esprit sceptique ainsi que son goût pour la satire et la parodie : Dialogues des Dieux ; Dialogues des Morts, Histoire Vraie ou les voyages dans l’espace ; Peregrinos ou critique d’un charlatan, Alexandros ou critique d’un maniaque religieux.
LUCIEN, Mort de Peregrinos
" Ces gens [les chrétiens] adorent le grand homme qui a été crucifié dans la Palestine, parce qu’il est le premier qui ait enseigné aux hommes ces nouveaux mystères ($11)
(Peregrinos est arrêté et jeté en prison …)
Les chrétiens, extrêmement affligés de sa détention … pourvurent abondamment à tous ses besoins et lui rendirent tous les devoirs inimaginables. On voyait dès le point du jour une troupe de filles, de veuves et d‘orphelins ; et une partie d’entre eux passait la nuit avec lui, après avoir corrompu les gardes par de l’argent ; ils y prenaient ensemble des repas préparés avec soin, et ils s’y entretenaient entre eux de discours religieux ; ils appelaient cet excellent Peregrinos le nouveau Socrate. Il y vint même des députés chrétiens de toutes les villes d’Asie, pour l’entretenir, pour le consoler, et pour lui apporter des secours d’argent : car c’est une chose incroyable que le soin et la diligence des chrétiens apportent à ces rencontres : rien ne leur coûte. Ils envoyèrent donc de grandes sommes à Peregrinos, et sa prison lui fut une occasion de se faire de bons revenus. Ces malheureux sont fermement persuadés qu’ils jouiront un jour d’une vie immortelle ; c’est pourquoi ils méprisent la mort avec un grand courage et s’offrent volontairement au supplice. Leur premier législateur leur a mis dans l’esprit qu’ils sont tous frères.($13)
Après qu’ils se sont séparés de nous, ils rejettent constamment les dieux des Grecs et n’adorent que ce sophiste qui s’est fait crucifier. Ils règlent leurs mœurs et leur conduite sur ses lois. Ainsi ils méprisent tous les biens de la terre et les mettent en commun, en sorte que s’il vient à se présenter parmi eux un imposteur, un fourbe adroit, il n’a pas de peine à s’enrichir fort vite en riant sous cape de leur simplicité. "
Lucien a présenté Peregrinos comme le meurtrier de son père et comme un imposteur profitant de la bonté d’autrui. Cependant, malgré son ironie habituelle, il ne peut que constater que les chrétiens, tant qu’ils ont vu en lui un fidèle, l’ont traité comme un frère. Et sa description de la charité et de la fraternité chrétienne renvoie à de nombreux passages du Nouveau Testament, en particulier à la fameuse description de la première communauté de Jérusalem en Ac 4,32-35 : visite au prisonnier, repas en commun, collecte d’argent provenant de différentes églises, mépris de la mort, refus des biens terrestres et mise en commun. A cela s’ajoutent le rejet des faux dieux païens et la croyance en la vie éternelle. Venant d’un sceptique qui se moquait de tout, mais qui reconnaît son propre étonnement, ce témoignage doit nous encourager et nous pousser à ne pas considérer comme trop idéalisé les divers préceptes du Christ.
Remarquons de plus que Lucien ne cite pas le nom de Jésus mais précise qu’il a enseigné que tous les hommes sont frères et qu’il a été crucifié en Palestine.
L’empereur JULIEN
Né en 331-332, fils d’un demi-frère de l’empereur Constantin, JULIEN, éduqué dans la foi chrétienne, est proclamé César en novembre 355. Après avoir restauré l’ordre en Gaule en 360, il meurt en 363 lors d’une bataille contre les Perses en Mésopotamie. Reniant sa foi, il professe ouvertement le paganisme dont il restaure le culte et dont il favorise les prêtres. Il proclame la tolérance envers toutes les religions mais interdit cependant aux professeurs chrétiens d’enseigner les classiques grecs et romains.
Il avait écrit, outre de nombreuses lettres et des traités philosophico-politiques, un ouvrage critique contre le christianisme, le Contre les Galiléens. Celui-ci est perdu mais CYRILLE (376-444), patriarche d’Alexandrie en 412, le réfute point par point vers 435-440 (soit 50 ans plus tard) dans une œuvre en vingt livres, dont subsistent seulement les dix premiers, intitulée Contre Julien, qui nous permet de reconstruire la pensée et l’œuvre de l’empereur apostat.
JULIEN, Lettre à Arcasius
" Les impies galiléens ayant observé que nos prêtres négligeaient les pauvres, se sont appliqués à les assister ; et comme ceux qui veulent enlever des enfants pour les vendre, les attirent en leur donnant des gâteaux, ainsi ils ont jeté les fidèles dans l’athéisme en commençant par la charité, l’hospitalité et le service des tables, car ils ont plusieurs noms pour ces exercices qu’ils pratiquent abondamment. "
Tout comme Lucien mais avec plus de hargne, l’empereur JULIEN doit reconnaître la supériorité de la société chrétienne sur la société païenne.
Les critiques et moqueries contre le Christ et contre les chrétiens
MINUCIUS FELIX,
converti au christianisme à la fin de sa vie, est l’auteur, entre 200 et 240, d’un dialogue l’Octavius, écrit en latin qui se déroule entre un chrétien du nom d’Octavius et un païen, Caecilius Natalis qui est peut-être le même que celui qui apparaît sur des inscriptions à Cirta en Numidie vers 210-217.
MINUCIUS FELIX rapporte les propos du païen Caecilius :
" Les chrétiens adorent des scélérats et un homme puni pour son crime du dernier supplice. Ils adorent les croix qu’ils méritent. "
Toujours la référence à la mort sur la croix, le supplice le plus infamant à l’époque.
HIEROCLES
de Nicomédie en Asie mineure fut proconsul de Bithynie et est considéré comme l’un des instigateurs des persécutions antichrétiennes de Galère en 303. Il écrivit en grec un ouvrage en deux livres contre la religion chrétienne dans lequel il compare Apollonios de Tyane à Jésus-Christ. Cet Apollonios, né en Cappadoce au début de l’ère chrétienne et mort peut-être sous le règne de Nerva (vers 97) ou peu après, était célèbre par ses pouvoirs magiques, par sa visite en Inde et par sa prédiction de la mort de l’empereur Domitien en 96.
Sa vie nous est principalement connue par Philostrate, né vers 170, qui étudia à Athènes et vécut dans l’entourage de l’empereur Septime-Sévère (règne de 193 à 211). Des auteurs modernes ont vu dans la Vie d’Apollonios de Tyane par Philostrate une réponse à la propagande chrétienne.
Les propos d’Hiérocles ont été conservés par EUSEBE :
" Les chrétiens font grand bruit et donnent de grandes louanges à Jésus, parce qu’il a rendu la vue aux aveugles et opéré de semblables merveilles. … Voyons comme nous sommes mieux fondés, lorsque nous en attribuons de semblables aux hommes excellents et que nous portons sur eux un jugement avantageux. Du temps de nos ancêtres, sous l’empire de Néron, a fleuri Apollonios de Tyane, qui, dès sa plus tendre jeunesse, fit plusieurs choses admirables. …
Hiérocles rapporte ensuite les prodiges d’Apollonios et poursuit :
" Pourquoi vous rappellerai-je ces merveilles ? Afin que vous puissiez comparer ensemble le jugement solide que nous portons sur chaque chose et le peu de solidité d’esprit des chrétiens ; puisque nous ne regardons pas comme Dieu, mais seulement comme l’ami des dieux, un homme qui a opéré de si grandes merveilles, et que les chrétiens au contraire publient que Jésus est Dieu, à cause des petits prodiges qu’il a faits. "
" Ce qui est encore digne de considération, c’est que Pierre et Paul, et quelques autres de même espèce, hommes menteurs, ignorants et magiciens, ont vanté avec emphase les actions de Jésus. "
Une des rares mentions des apôtres dans la littérature païenne antique. Remarquons que si Hiérocles s’efforce de déprécier les miracles de Jésus-Christ en les mettant en dessous de ceux d’Apollonios, il n’ose pas en contester la véracité.
ARNOBE,
professeur païen de rhétorique en Numidie (Afrique du Nord) qui se convertit vers 300 au christianisme et écrivit un latin une critique du paganisme en sept livres, intitulée Adversus Nationes. Cette œuvre est dirigée contre ceux qui affirment que Jésus n’est qu’un mortel et un grand magicien. Faiblement formé en théologie, il se représente le Christ comme une divinité secondaire, cite peu le Nouveau Testament et jamais l’Ancien Testament. Cependant il connait bien le platonisme, le stoïcisme ainsi que l’ancienne religion romaine et la mythologie.
ARNOBE, Adversus Nationes, Livre I
" [Jésus] a été un magicien ; c’est par des sciences secrètes qu’il a opéré tout ce qu’il a fait d’extraordinaire. Il a volé dans les sanctuaires des Égyptiens les noms des génies puissants et la doctrine la plus cachée. "
Jésus a appris la magie en Égypte ; nous retrouvons la même accusation dans Celse et dans le Talmud.
CYRILLE d’Alexandrie,
Contre Julien, livre VI rapporte les propos de l’empereur JULIEN :
" Jésus n’a rien fait de mémorable, à moins qu’on ne veuille regarder comme quelque chose de grand, d’avoir guéri des aveugles et des boiteux, et d’avoir conjuré des démons dans les villages de Bethsaïda et de Béthanie. "
" Quels biens Jésus a-t-il procurés à ses parents ? Car il a dit qu’ils n’ont pas voulu lui obéir. Eh quoi ! comment ce peuple indocile a-t-il donc obéi à Moïse : et Jésus qui commandait aux démons, et qui les chassait, qui marchait sur la mer, qui, comme vous le voulez, a fait le ciel et la terre, n’a pu changer les sentiments de ses amis et des proches, pour leur procurer le salut. "
L’empereur JULIEN, tout comme HIEROCLES, ne met pas en doute les prodiges attribués à Jésus qui étaient de notoriété publique. En effet, ce n’est que pour l’affirmation, propre à la révélation chrétienne, de la création du ciel et de la terre par Jésus, que Julien manifeste son scepticisme en rapportant l’opinion d’autrui : " comme vous le voulez ".
Mais la précision des détails rapportés, le désaccord entre Jésus et ses parents, la guérison des aveugles et des boiteux, l’expulsion des démons, la marche sur la mer, le nom des deux villes juives, tout cela prouve que Julien avait lu les textes bibliques. Il avait en effet été éduqué dans la foi chrétienne avant de la renier d’où son surnom de Julien l’Apostat.
Remarquons en outre la constatation, à priori déconcertante et déjà présente dans les Évangiles, que Jésus n’a pu convertir ni ses proches ni les habitants de Nazareth.
Réaction chrétienne aux accusations
EUSEBE, Préparation évangélique, livre III, chapitre 6 :
" A-t-on jamais vu un magicien qui ait institué une société où l’on pratique toutes les vertus, qui ait enseigné une doctrine pure comme celle que nous avons détaillée ? Que s’il a été un magicien un sorcier, un imposteur, un fourbe ou un charlatan, comment a-t-il pu faire recevoir et pratiquer chez toutes les nations une doctrine telle que celle que nous voyons et entendons ? "
" Ce sont là les succès de ce nouveau magicien ; ce sont là les enchantements de celui que vous croyez être un séducteur ; tels sont les disciples de Jésus par lesquels vous pouvez connaître le maître. Mais examinons encore par d’autres raisons quel a été Jésus ; vous dites qu’il a été un magicien ; vous l’appelez un sorcier et un fourbe très adroit… vous dites qu’il a eu des imposteurs pour maîtres, qu’il a été instruit des sciences les plus secrètes des Égyptiens, par le moyen desquels il est devenu tel qu’on le publie. " ;
Les auteurs chrétiens connaissaient donc bien les accusations de magicien instruit en Égypte lancée contre Jésus. Eusèbe les réfute en faisant remarquer qu’aucun magicien, à commencer par Apollonios de Tyane, n’a enseigné la charité et la fraternité humaine reconnus à contrecœur par LUCIEN et JULIEN comme proclamée par le Christ à ses disciples.
Refus à-priori du christianisme
CYRILLE reprend les paroles de l’empereur JULIEN
" J’estime que je ferai bien d’exposer à tous les hommes les raisons qui m’ont convaincu que la doctrine des galiléens était une invention humaine, malicieusement erronée, qui n’a rien de divin ; mais qui, abusant de la partie de l’âme qui aime les fables, qui donne dans les puérilités et qui est sans raison, a engagé les hommes, par des récits pleins de prodiges, à croire qu’elle enseigne la vérité " (Saint CYRILLE, Contre Julien, chapitre II)
" Lorsque nous commencerons l’examen en particulier des œuvres prodigieuses et des artifices qui sont contenus dans les Évangiles " (Saint CYRILLE, Contre Julien, chapitre VII)
Julien, comme bien des savants modernes, est convaincu que le christianisme est une invention humaine et que les récits bibliques sont sans fondement et semblables aux fables mythologiques, destinées uniquement aux personnes crédules ou irrationnelles.
Mais les auteurs chrétiens connaissaient bien la mythologie qu’ils rejetaient eux aussi et se concentraient sur les paroles et les gestes connus de tous d’un homme précis appelé Jésus, ayant vécu dans des lieux précis (Galilée et Judée) et à une époque précise (sous Tibère et Ponce Pilate).
D’où la contradiction qui se retrouvent chez JULIEN et chez CELSE : d’un côté, un rejet en bloc motivé par des considérations philosophiques abstraites et générales, de l’autre une acceptation, même partielle ou à contrecœur, de faits concrets et décrits, avec comme explication possible le recours à la magie, notion bien peu rationnelle pour des philosophes.