La controverse de la datation au radiocarbone du Linceul de Turin (1983 - aujourd'hui)

De Ebior
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Ce fut l’occasion de plusieurs années de controverses où les manœuvres, les coups de publicité médiatique, les suspicions à priori et les ambitions personnelles prirent le dessus sur la recherche de la vérité. Aujourd’hui encore, près de vingt cinq ans plus tard, il est pratiquement impossible de savoir ce qui s’est passé et d’en tirer des conclusions valables.

Principes scientifiques

Le carbone (C) présent dans toute matière organique se présente sous plusieurs variétés : deux formes stables C12 (six protons + six neutrons ; 98,89% de la matière)ainsi que C13 (six protons + sept neutrons ; 1,1% de la matière) et une forme instable radioactive C14 (six protons et huit neutrons)  Celle-ci, , produite dans la haute atmosphère sous l'impact des rayons cosmique, se désintègre de façon naturelle et se retrouve de façon constante mais infinitésimale (un atome de C14 pour mille milliards d'atomes de C12 ) dans les tissus vivants.

Le principe de la datation, établi par W.LIBBY vers 1950 et qui lui valut le prix Nobel en 1960, est simple : comme, à la mort d'un organisme, le taux de C14 diminue de moitié tous les 5568 ans environ, intervalle de temps appelé période radioactive ou demi-vie (λ), il est donc possible de calculer, selon une loi exponentielle décroissante, le temps écoulé depuis la mort du tissu, à condition qu'il n'y ait pas d'introduction nouvelle de C14 par la suite : C14 / C12 (aujourd'hui) = C14 / C12  (au départ) x e-λt ,t étant le temps écoulé.

Deux procédés sont utilisés :

  1. les mini-compteurs : méthode ancienne et non-destructrice qui consiste à mesurer directement le nombre d'atomes de carbone désintégrés par minute
  2. l'AMS : méthode plus récente et destructrice qui compte, en utilisant des Spectrographes de Masse et des Accélérateurs (d'où le sigle anglais), le nombre d'atomes non encore désintégrés.

Fiabilité et limites

La datation au radiocarbone n'est pas infaillible, comme on l'a cru et comme le croit encore le grand public. Elle repose en effet sur des principes non démontrés :

  • la durée de la demi-vie ( λ) est contestée  et il n'est pas prouvé   qu'elle reste constante . Si l'ETH de Zurich conserve la valeur initiale de LIBBY, le CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique) utilise la valeur de 5730 ans alors que d'autres laboratoires préfèrent 5760 ans.
  • la production de C14 dans l'atmosphère également n'est pas constante, contrairement à ce que croyait LIBBY et tend à augmenter à cause des éruptions solaires, des éruptions volcaniques  des grands incendies de forêts, du champ magnétique terrestre et des explosions nucléaires. Tous ces facteurs  modifient le taux atmosphérique de gaz carbonique. On peut en conclure que, dans le passé, la quantité totale et le rapport avec le C12 étaient plus faible que maintenant.
  • la loi mathématique indiquée ci-dessus ne fait intervenir que le facteur temps, sans influence de phénomènes extérieurs ; or des matériaux comme les os ou les tissus qui présentent de grande surface de contact peuvent absorber par contamination du C14 après la mort de l'être vivant.
  • toute action de l'eau peut provoquer une migration qui fausse la datation. En particulier, certaines plantes, comme le lin, paraissent concentrer le C14 par rapport aux deux autres formes.D'ailleurs la distribution du radiocarbone varie selon les océans, les lacs et les rivières.
  • la méthode des compteurs et la méthode AMS donnent assez souvent des résultats différents, jusqu'à cinq siècles sur une période de deux mille ans !
  • De nombreux facteurs peuvent fausser la datation, notamment le calcaire, les teintures végétales, la matière organique et une contamination bactérienne, la Lichenothelia qui recouvre le Linceul de Turin.

Aussi les laboratoires spécialisés suivent-ils une procédure stricte :

  • pas de datation "à l'aveugle" de l'échantillon à examiner par un traitement acide-base-acide (AAA en anglais) utilisant de l'acide chlorhydrique et de la soude. Or Mme VAN OOSTERWYCK fait remarquer que le même protocole standard est toujours utilisé sans étude préalable ni des taches observées ni des tissus. Comment savoir si le support n'a pas été dissous en partie par les solvants et que les différents types de pollution ont bien été enlevés en totalité ? En réalité il n'existe à l'heure actuelle aucune méthode fiable pour enlever toutes les contaminations possibles.  C'est ce qu'a admis en 1999 le professeur GOVE, radiocarboniste inventeur de la méthode AMS et farouche partisan de la datation médiévale du Linceul, lui qui avait empêché le STURP de réaliser une analyse physico-chimique préalable des échantillons à dater. Il s'agit là du point faible de la méthode, reconnu d'ailleurs par les experts du CEA.
  • mesure de la concentration en C14
  • élimination, grâce à l'estimation archéologique, des résultats "aberrants " en dehors de la moyenne car les courbes obtenues peuvent présenter plusieurs pics. Comment parler alors de datation absolue  
  • conversion de l'âge radiocarbone en âge calendaire selon une procédure complexe de datation :
  1. les taux de radiocarbone sont convertis en âge conventionnel  BP (Before Present soit par convention avant 1950 après Jésus-Christ.
  2. ils subissent une correction qui tient compte du fractionnement isotopique C13 / C12 et C14 / C12) , correction dont les valeurs expérimentales varient en fonction des matériaux ( 1% de variation du rapport C14 / C12 correspond à une différence d'âge de 80 ans.
  3. ils subissent une autre correction basée depuis 1986 sur la dendrochronologie (datation à partir des anneaux  annuels de croissance des arbres. Cette méthode est basée sur des arbres américains (séquoia et pins) vieux de 3000 à 5000 ans mais pose problème en Europe où l'âge des arbres ne dépasse pas les 500 ans. Une vingtaine de courbes correctrices ont été proposées dont la correction de STUIVER-PEARSON en 1986, valable pour l'Europe qui a servi en autre à établir les dates calibrées du Linceul.  Comme elle est basée sur une succession de calculs statistiques eux-mêmes critiqués , cette méthode reste d'une application délicate. Ajoutons que la nouvelle correction (ajustement de 10%) proposée en 1998 ne résout pas le problème de base.
  4. on obtient alors, par un programme informatique, des dates calibrées AD (Anno Domini) qui correspondent aux années du calendrier.

 

Courbe-cloche.jpg

 

Toutes les données obtenues se répartissent selon la distribution la plus fréquente  en statistique, appelée la loi normale où les points correspondants sont groupés en forme de cloche autour d'une moyenne. La probabilité se calcule se calcule à partir de cette moyenne en utilisant l'écart-type σ.

A +/- 1 écart-type correspond 68% de probabilité,  +/- 2 écarts-types correspond 95% de probabilité et à +/- 3 écarts-types correspond 99% de probabilité.


Ces différentes étapes seront répétées jusqu'à l'obtention du résultat attendu c'est-à-dire confirmé par d'autres méthodes : historiques, archéologiques, etc.

Et cependant, les exemples de datation erronée voire même fantaisiste ne manquent pas :

  1. le laboratoire d'Oxford (Grande-Bretagne) a confirmé la datation présumée vers 1200 d'un objet qui s'est avéré par la suite avoir été fabriqué en Afrique du sud à la fin du XXème siècle
  2. le laboratoire de Zurich (Suisse), lors d'un essai préliminaire en 1983 sur un tissu égyptien, avait fait une erreur de près de 1000 ans à cause d'une pollution.
  3. le laboratoire de Tucson (USA) a daté un cor viking de 2006 après Jésus-Christ.

Ces exemples montrent l'importance du choix des échantillons et de la connaissance, après sa mort, de l'histoire de l'organisme examiné.

L'application au linceul : le protocole expérimental initial

En ce qui concerne le linceul, un surcroît de précautions devait être pris pour les raisons suivantes :

  • il s'agit d'un tissu en lin, deux particularités qui comme nous l'avons vu, peuvent influencer la datation
  • il a été soumis à de nombreuses contaminations extérieures : fumées, incendies, sueur des mains, arrosages copieux, micro-organismes, divers examens radiographiques, peut-être la radioactivité artificielle actuelle.
  • enfin, le mécanisme inconnu de la formation de l'image a pu entraîner des conséquences inattendues

Avec l'évolution des techniques qui permettait l'étude d'échantillons de plus en plus restreints, le STURP (Shroud of Turin Research Project équipe américaine pluridisciplinaire ) constitua en 1983 un programme précis de recherche et une commission qui fit appel à des laboratoires spécialisés. De nombreuses discussions, allant jusqu'aux polémiques et aux manœuvres éclatèrent entre les participants et retardèrent les études. En effet le rôle prépondérant du STURP fut critiqué.

Finalement en 1986, à Turin, un protocole expérimental fut adopté par tous après d'âpres discussions :

  • sept laboratoires devaient participer auxquels on remettrait trois échantillons non étiquetés, un provenant du suaire et deux des échantillons anonymes
  • les prélèvements devaient être effectués par une spécialiste des tissus anciens, Madame FLURY-LEMBERG qui avait restauré les vêtements de saint Antoine de Padoue et de saint François d'Assise, sans identification possible entre les échantillons
  • le contrôle serait effectué par l'Académie pontificale des Sciences, le British Museum et l'Archevêché de Turin
  • Les laboratoires devaient travailler séparément, sans communication entre eux et remettre leurs résultats aux trois contrôleurs
  • après examen, le résultat final serait présenté en commun par les laboratoires et les organismes contrôleurs
  • le STURP était autorisé à examiner ultérieurement les échantillons analysés.

Le prélèvement et le résultat des analyses

Des réactions violentes se déclenchèrent alors, en particulier contre l'Église suspectée de partialité.

En octobre 1987, le cardinal CASERO, secrétaire d'État au Vatican et Monseigneur BALLESTRERO, archevêque de Turin et "gardien du Saint Suaire", modifièrent une nouvelle fois le protocole :

  • seuls trois laboratoires (Oxford, Zurich et Tucson) sont retenus, utilisant la même méthode, celle de l'AMS et rejetant celle des mini-compteurs
  • le contrôle est confié au seul British Museum et à son directeur, le docteur TITE
  • le prélèvement sera effectué par l'industriel Giovanni Riggi Di NUMANA assisté du professeur TESTORE pour la pesée des échantillons mais rien n'est précisé sur les conditions mêmes de ce prélèvement
  • le programme d'étude interdisciplinaire est supprimé au profit du seul radiocarbone

De nombreux observateurs critiquèrent le nouveau protocole, beaucoup moins exigeant et la fiabilité d'une datation obtenue par la seule mesure du C14  et par la méthode AMS uniquemernt.

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Le 21 avril 1988 eut lieu le prélèvement en un seul endroit, en bas sur un bord de tissu proche d'une zone carbonisée et près d'un coin, donc dans une région déjà très manipulée lors des ostensions.

Un morceau de 8,1 cm x 1,6 cm, soit 13 cm2, est prélevé puis réduit en un morceau de 7 cm x 1 cm, soit 7 cm2 et de 300 mg ; ce dernier est ensuite découpé en deux :

  1. un premier fragment de 154,9 mg partagé à son tour en trois parties de 52 , 52,8 et 53,7 mg
  2. un second fragment de 144,8 mg pour servir de réserve.

C'est l'échantillon intitulé n° 1.

Retenons ces précisions numériques pour mieux comprendre les controverses ultérieures.

Ensuite furent ajoutés trois échantillons de contrôle, eux aussi découpés en trois parties :


- n°2 un morceau de lin provenant d'une tombe de Nubie, datée du XI-XII ème siècle

- n°3 un autre morceau de lin, d'origine égyptienne, daté entre -110 et + 75

- n°4 des fils de lin, extraits de la cape de Louis d'Anjou, conservée dans la Basilique de saint Maximin dans le Var (France) et daté de 1296 (au plus tard de 1317).


Les trois laboratoires travaillèrent alors successivement sur les quatre échantillons, Tucson en mai, Zurich en juin et Oxford en août 1988.

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Le 14 octobre 1988, le docteur TITE assisté du professeur HALL, responsable du laboratoire d'Oxford, communiqua les résultats :


Tucson Zurich Oxford
valeurs brutes

 non communiquées

intervalles en âge BP 615-677 652-700 726-774
intervalle en âges calendaires (I) 1353-1384  1262 - 1312 
intervalle en âges calendaires (II) 1260 -  1390


Le résultat final (entre 1260 et 1390) est alors présenté   avec une certitude estimée à 95 % : le Linceul serait un faux médiéval !

Ce compte-rendu fut publié dans la célèbre revue britannique Nature, le 4 février 1989, sous la forme d'une publication de quatre pages seulement.

Trois remarques :

  • Les dates obtenues pour le radiocarbone sont des valeurs calibrées, en année soustraites de 1950 (Before Present) par convention
  • L'intervalle de temps, en années calendaires réelles, est obtenu par un programme informatique qui utilise une courbe de l'évolution du C14 dans l'atmosphère et qui intègre les corrections indiquées.
  • Aussi bien les résultats préliminaires que les résultats intermédiaires n'ont pas été communiqués ce qui rend très difficile toute vérification ultérieure. De plus le regroupement en un seul de deux intervalles de temps contenant des dates disjointes est mathématiquement discutable.

Les anomalies

Paradoxalement, les autorités religieuses, peut-être par manque d’information, se résignèrent et acceptèrent le résultat (entre autre Mgr BALLESTRERO : « La science a parlé mais cette sainte relique est toujours belle et vénérable ») alors que la communauté scientifique, croyante et incroyante, réagit rapidement. En effet récuser toutes les études précédentes effectuées dans différentes disciplines au profit d’un seul examen n’est pas une démarche scientifique honnête.

Aussi le professeur Van CAUWENBERGHE fonda un nouvel institut, le CIELT (Centre International d’Etudes sur le Linceul de Turin) pour continuer et coordonner les recherches. De nombreuses anomalies, constatées par plusieurs savants, ont été recensées et regroupées par le Russe A.CHERPILLOD et comme D.RAFFARD DE BRIENNE, président du CIELT, nous les classerons en trois catégories :

anomalies dans le protocole expérimental

  • une seule méthode de datation est retenue, celle du radiocarbone par la technique AMS au détriment des autres laboratoires et équipes de recherche
  • un seul organisme de contrôle, le British Museum, au détriment du STURP et de l'Académie Pontificale des Sciences
  • un seul homme, le docteur TITE, adversaire déclaré de l'authenticité du linceul, a le monopole de la conduite des recherches
  • la procédure en aveugle a été abandonnée mais successivement et le secret n'a pas été gardé : un reportage à la BBC et un livre parurent avant la publication des résultats !
  • les laboratoires n'ont pas travaillé simultanément mais successivement et le secret n'a pas été gardé : un reportage à la BBC et un livre parurent avant la publication des résultats !

anomalies dans le prélèvement des échantillons

  • le choix d'un seul endroit de prélèvement, dans une zone déjà fort manipulée et proche à moins de 10 cm du tissu carbonisé, n'est pas très judicieux.
  • la densité (rapport du poids à la surface) des échantillons est en moyenne de plus de 40 mg/cm2 (300 / 7) alors que celle du linceul est de 23 mg/cm2 : ils sont donc deux fois plus lourds. Anomalie difficile à expliquer !
  • Le frère BONNET-EYMARD constata que l'addition du poids des trois échantillons analysés (158,5 mg) dépassait celui (154,9 mg) du fragment dont ils provenaient !

Deux explications furent alors proposées :

  • Pour RIGGI di NUMANA, le troisième échantillon aurait pesé 50,1 mg et on aurait ajouté un complément de 3,6 mg pris sur la réserve de 144,8 mg
  • Pour TESTORE, c'est la réserve et non le premier fragment qui aurait été découpé en trois parties de 52 , 52,8 et 39,6 mg respectivement. Comme ce dernier n'atteignait pas le poids nécessaire (50 mg), on aurait ajouté un complément de 14,1 mg tiré du premier fragment de 154,9 mg.

Si le lecteur ne s'y retrouve pas, qu'il se rassure : il ne sera pas le seul ! Cette succession de déclarations imprécises et contradictoires - qu'a-t-on prélevé au juste ? - a suscité de vives polémiques et de nombreuses hypothèses ont circulé : erreur volontaire ou non dans le prélèvement, substitution volontaire ou non de tissu, confusion dans l'établissement des poids. Un point reste assuré : le manque total de sérieux et de fiabilité de l'expérimentation du à l'abandon du protocole initialement prévu.

  • Quelle que soit la version à retenir, un des deux fragments aurait du subsister, même amputé d'un petit morceau. Or tous les deux ont disparu et le film complet (15 heures) des opérations de prélèvement n'a jamais été publié : aucune contre-expertise n'est donc possible et une portion du linceul a été détruite inutilement.
  • La mise en container des échantillons a été effectuée à l'écart, hors de toute surveillance.

anomalies dans la publication des résultats

  • La fourchette de temps officielle a été obtenue de manière singulière. Rappelons que les laboratoires de Tucson et de Zurich proposèrent une date moyenne de 1370 alors que le linceul est historiquement connu dès 1356 et qu’Oxford proposait une date plus ancienne, entre 1262 et 1312. Or, malgré un trou d’environ 50 ans entre les deux datations, les deux fourchettes ont été regroupées en une seule, par une procédure peu orthodoxe et fort critiquée car elle ôte toute signification à la moyenne ainsi obtenue.
  • Le test statistique du c 2(ou de Pearson) permet de vérifier si un échantillon mesuré est bien représentatif de l’ensemble dont il provient ; au-delà d’une valeur égale à cinq, l’échantillon est rejeté ; plus la valeur s’approche de zéro, meilleur est l’échantillon. Voici les résultats communiqués :
     

Échantillon n° 1 : 6,4 (le linceul)

Significativité : 5%

Échantillon n° 2 : 0,1

Significativité : 90%

Échantillon n° 3 : 1,3

Significativité : 50%

Échantillon n° 4 : 2,4

Significativité : 30%


En statistique, cela signifie que les autres échantillons (2,3,4) sont représentatifs alors qu’avec une probabilité de 95%, les échantillons prélevés sur le linceul sont hétérogènes. Le chimiste Remi VAN HAELST, refaisant les calculs, en déduit un degré de significativité de 1,3 % (et non de 5%) soit une quasi-certitude que "si les dates mesurées sont correctes, chaque échantillon, pris à la même place, n'est pas représentatif du Linceul " selon la conclusion de l'auteur.  En conséquence, le laboratoire d’Oxford aurait travaillé sur un échantillon pris sur un autre tissu que celui analysé par les deux laboratoires de Zurich et de Tucson. Car comme cet âge est statistiquement différent de celui des deux autres échantillons, cette différence statistique implique une différence réelle au niveau du tissu, répartie sur une distance d'à peine quelques centimètres et donc que le radiocarbone n(est pas uniformément distribué !

Et les contradictions entre la déclaration du docteur TITE et le test du c 2 provient du fait que le British Museum a utilisé une méthode statistique non-standard, mise au point par WILSON et WARD en 1978  et rejetée en général (pour les mathématiciens : le coefficient de Student, dont la valeur habituelle est de 1,96, a été porté à 2,6 !) 

  • Le rapport publié dans Nature est fort incomplet et inexploitable car il ne fournit aucun résultat complet des mesures, seulement des moyennes, sans décrire les méthodes utilisées et sans fournir les résultats partiels à chaque stade. Il sous-entend même que les laboratoires ont retouché leurs mesures avant de les transmettre !

Les explications possibles

De nombreuses explications ont été proposées pour expliquer le décalage de la datation au radiocarbone, allant jusqu’à la substitution d’échantillons et à la tromperie au niveau des mesures. En effet, l’absence de possibilité de vérification extérieure et le refus de dialogue de la part des responsables de l’opération ont été critiqués, en particulier par le professeur GONELLA, conseiller scientifique de l’archevêché de Turin et n’ont fait qu’envenimer les discussions.

Présentons néanmoins quelques pistes possibles et moins extrêmes, plus ou moins vraisemblables (elles ne s’excluent pas et peuvent s’être additionnées) :

  • Les pollutions, due en particulier à un champignon, le lichenothelia, qui serait aussi à l’origine de la formation de l’image : affirmation du Père RINAUDO qui a fait procéder à un test dans un accélérateur de particules pour soutenir son hypothèse – absolument indémontrable – du « flash » de la résurrection provenant du corps même de Jésus !
  • Une contamination d’origine biologique, due en particulier à un champignon, le lichenothelia, peut altérer les datations mais pas sur près de quatorze siècles !
  • L’enrichissement en C14 sous l’effet de la température (probablement aux environs de 200° lors de l’incendie de Chambéry en 1532) pourrait provoquer un rajeunissement de plusieurs siècles. C’est la thèse de Dimitri KOUSNETSOV, mais qui ne fait pas l’unanimité.
  • L’enrichissement en C14 sous l’effet d’un rayonnement nucléaire qui serait aussi à l’origine de la formation de l’image : affirmation du Père RINAUDO qui a fait procéder à un test dans un accélérateur de particules pour soutenir son hypothèse – absolument indémontrable – du « flash » de la résurrection provenant du corps même de Jésus !
  • Le choix d’une zone souvent manipulée et peut-être restaurée à l’aide d’un tissu plus dense recousu à une date plus récente. Des restaurations sont attestées en effet en 1534, 1694 et 1868. Ce serait l’hypothèse la plus simple, expliquant la grande différence de densité du tissu, soutenue par les travaux récents du chimiste américain, Raymond N. ROGERS, décédé en mars 2005. 

Conclusions

On ne peut donc rien tirer de la datation au radiocarbone parce que celle-ci n’a pas respecté la méthodologie scientifique : de nombreuses erreurs, volontaires ou involontaires, ont été commises qui invalident le résultat obtenu. C'est ainsi que l'échantillon utilisé pour la datation au radiocarbone, n'est sans doute pas représentatif de l'ensemble du Linceul mais proviendrait d'une réparation postérieure.

Il est de plus curieux de constater que non seulement les media en général et  le grand public, mais aussi certains religieux et théologiens, ne retiennent que l’hypothèse du faux médiéval (peinture ou simulacre de crucifixion) et ignorent que cette thèse est rejetée par la majorité de la communauté scientifique, croyante et incroyante, qui se base sur un grand nombre d’études effectuées dans de nombreuses disciplines. Comme elles sont moins médiatisées, on les trouvera dans l’article consacré à la description du Linceul de Turin.

Remarquons de plus que le même cardinal BALLESTRERO déclarait en 1997 : " La mesure par radiocarbone concluant à un âge médiéval du Linceul semble avoir été réalisée sans l'attention requise.", contredisant ainsi ses propres déclarations dix ans plus tôt.

Quelles furent les suites de cette affaire ?

  • En octobre 1989 se tint à Paris le 1er Symposium international du C.I.E.L.T. Cette association scientifique condamna de fait la contradiction apportée par la datation au radiocarbone après examen approfondi des résultats fournis et approuva la poursuite des recherches. A cette occasion, dans une lettre du 14 septembre 1989, le docteur TITE regretta que son attitude ait pu laisser croire que le Linceul était un faux.
  • En 1993 se tint à Rome le 2ème Symposium international du C.I.E.L.T : plus de cinquante publications dans toutes les disciplines y furent présentés. Et le communiqué de clôture mérite d’être cité : « L’assemblée, prenant acte que, si l’on se soumet au même niveau d’exigence épistémologique que celui régulièrement utilisé en science pour identifier les phénomènes physiques, on ne peut que conclure à l’authenticité scientifique, c’est-à-dire affirmer que l’homme du Linceul est bien Jésus de Nazareth.« Cette déclaration devait mettre un point final à la controverse entamée dix ans plus tôt.

Remarquons qu’il n’est question ni du Christ, ni de la Résurrection, affirmations relevant uniquement de la foi chrétienne.

  • Le 12 et 13 mai 1997 se tint à Nice (France) le 3ème Symposium international du C.I.E.L.T  avec 35 publications dans différents domaines (optique, imagerie numérique, génétique, biologie, archéologie, médecine, histoire) et 160 participants. L’ambiance fut plus sereine car les partisans de la datation au radiocarbone ne s’étaient pas présentés.
  • Après l’ostension publique d’avril à juin 1998, se tint à Turin le 3ème Congrès international d’Etudes sur le Saint-Suaire organisé par le Centre International de Sindonologie (néologisme pour désigner l’étude du Linceul) de Turin : de nouvelles hypothèses sur la formation de l’image et sur les inscriptions fossiles y furent présentées.
  • Enfin, d’autres symposiums eurent lieu à Dallas (USA) en 2001 et à Rio de Janeiro en 2002.

La continuation des recherches constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux négateurs de toute sorte qui rejette l’authenticité du Linceul alors qu’elle est scientifiquement acceptable.

Particulièrement  la cartographie comparée des taches de sang présentes sur les trois reliques de la Passion fait supposer que le même homme a saigné dans les trois linges. Or les datations officielles au radiocarbone présentent un magnifique cas de "contradiction" moderne. 

Linceul de Turin :             1260 - 1390
Tunique d'Argenteuil :       530 -  650
Suaire d'Oviedo :               640 -  785

 

Il y a là un sérieux problème rarement relevé  et un argument supplémentaire sur le caractère non fiable des datations au carbone 14 effectuées sur des tissus.

Mise à jour : 01-mai-2008

Auteur : Fernand LEMOINE

Sources : 

  1. Dr Jean-Maurice CLERCQ, La Passion de Jésus : de Gethsémani au Sépulcre Le Saint-Suaire revisité, Nouvelles découvertes sur le Suaire de Turin, Albin Michel, 1997
  2. Dr Jean Lévêque et Dr René Pugeaut,
  3. André Marion et Anne-Laure Courage
  4. Daniel RAFFARD de BRIENNE, Enquête sur le Saint Suaire, Claire Vigne, 1996
  5. Marie-Claire Van OOSTERWYCK, La datation radiocarbone de la Sainte Tunique d'Argenteuil dans Actes du Colloque du Costa à Argenteuil en novembre 2005: étude fouillée et précise présentant les mécanismes techniques de cette méthode.