La mission du Christ Redempteur (RedemptorIS Missio) - I
Introduction
La promulgation d'une encyclique constitue toujours un évènement d'Eglise important. LA MISSION DU CHRIST REDEMPTEUR que JEAN-PAUL II vient de publier pour le 25e Anniversaire du Décret "Ad Gentes" (Envoyée par Dieu aux païens) du Concile Vatican II, est véritablement un évènement prophétique, le Cardinal GARRONE nous le disait ces jours-ci à Rome. L'Eglise s'ouvre au monde pour l'évangéliser, pour lui annoncer l'Evangile afin que ce monde se convertisse à sa lumière et croie. C'est magnifique!
Qu'est-ce qu'une encyclique? Une encyclique est une lettre solennelle (ou bulle) concernant la foi et la morale, que le Pape adresse en qualité de Successeur de pierre à tous les chrétiens, clercs ou laïcs.
Le titre d'une encyclique peut parfois paraître étrange. En fait, ce sont les deux ou trois premiers mots du texte qui lui donnent son nom, ce conformément à l'usage hébraïque.
LA MISSION DU CHRIST REDEMPTEUR , nom de cette encyclique traitant de "la mission auprès de tous ceux qui ne connaissent pas le Christ", représente une nouvelle charte pour tous les baptisés.
Remercions le Souverain Pontife de nous la donner. Elle vient à son heure "pour réveiller notre élan missionnaire" qui s'était au cours des années de l'après guerre affaibli, et quelque peu assoupi.
Or, ce n'est pourtant pas vraiment le moment, nous interpelle JEAN-PAUL II dès le premier paragraphe. Ecoutons-le:
" La mission du Christ Rédempteur confiée à l'Eglise, est encore bien loin de son achèvement. Au terme du deuxième millénaire après sa venue, un regard d'ensemble porté sur l'humanité montre que cette mission en est encore à ses débuts et que nous devons nous engager de toutes nos forces à son service. C'est l'Esprit qui pousse à annoncer les grandes oeuvres de Dieu: "Annoncer l'Evangile. en effet, n'est pas pour moi un titre de gloire: c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile !" (1 Co 9, 16).
Je ressens impérieusement le devoir de répéter ce cri de saint Paul, au nom de toute l'Eglise. Dès le début de mon pontifical, j'ai choisi de voyager jusqu'aux extrémités de la terre pour manifester ce zèle missionnaire; et, précisément, le contact direct avec les Peuples qui ignorent le Christ m'a convaincu davantage encore de l'urgence de l'activité missionnaire à laquelle je consacre la présente encyclique. "
La mission en fait n'en est qu'à ses débuts:
" Le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne font pas partie de l'Eglise augmente continuellement, et même il a presque doublé depuis la fin du Concile. A l'égard de ce nombre immense d'hommes que le Père aime et pour qui il a envoyé son Fils, l'urgence de la mission est évidente. "
Il est impossible de rejeter la responsabilité de la Mission sur les "seuls spécialistes" prêtres, religieux, religieuses ou de s'en préoccuper seulement pour les pays lointains, car:
LA MISSION CONCERNE TOUS LES CHRETIENS, tous les diocèses, toutes les paroisses, toutes les institutions et toutes les associations ecclésiales.
Impossible de s'y soustraire. JEAN-PAUL II entend nous en rendre bien conscients:
La mission renouvelle l'Eglise, renforce la loi et l'identité chrétiennes, donne un regain d'enthousiasme et des modifications nouvelles. (Sachons que) LA FOI S'AFFERMIT LORSQU'ON LA DONNE!
Le monde en a un besoin vital:
" Mais ce qui me pousse plus encore à proclamer l'urgence de l'évangélisation missionnaire, c'est qu'elle constitue le premier service que l'Eglise peut rendre à tout homme et à l'humanité entière dans le monde actuel, lequel connaît des conquêtes admirables mais semble avoir perdu le sens des réalités ultimes et de son existence même. "Le Christ Rédempteur -ai-je écrit dans ma première encyclique- révèle pleinement l'homme à lui même. ...!L'homme qui veut se comprendre lui-même jusqu'au fond doit s'approcher du Christ... La rédemption réalisée au moyen de la Croix a définitivement redonné à l'homme sa dignité et le sens de son existence dans le monde".
Ceci d'autant plus que jamais aucun moment n'a été plus propice, tant sur le plan psychologique que sur celui des moyens de communication mis à notre disposition:
" D'autre part, notre temps offre à l'Eglise de nouveaux motifs d'agir en ce domaine: l'écroulement d'idéologies et de systèmes politiques oppressifs: l'ouverture des frontières et l'édification d'un monde plus uni, grâce au développement des communications ; dans les peuples, la reconnaissance croissante des valeurs évangéliques que Jésus a incarnées dans sa vie (paix, justice, fraternité. attention aux plus petits) ; un modèle de développement économique et technique sans âme mais qui invite à chercher la vérité sur Dieu, sur l'homme, sur le sens de la vie. "
Le ton est donné. La balle est ainsi jetée, si l'on peut dire, dans notre camp.
Cette encyclique a des accents neufs, en ce sens qu'elle dégage des perspectives précises concernant les missions respectives des clercs et laïcs.
Nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de cette présentation .
Il ne nous est pas possible hélas! de vous donner ici une vue exhaustive, complète de toutes les richesses que recèle LA MISSION DU CHRIST REDEMPTEUR. Notre seul désir - et vous savez combien il nous tient à coeur - est de vous fournir quelques points de repères qui vous permettront de comprendre plus aisément, en l'approfondissant vous-mêmes, l'appel suppliant que le Pape adresse à chacun par ce texte magnifique et d'y répondre concrètement et activement.
PRESENTATION
Après une très belle introduction dont nous venons de vous donner de larges extraits, JEAN-PAUL II développe le but de LA MISSION confiée par Jésus à ses apôtres, aux disciples et à leurs successeurs, son rôle, ses moyens, ses agents, ses voies, sa spiritualité, tout au long des 8 chapitres qui constituent LA MISSION DU CHRIST REDEMPTEUR.
- Jésus-Christ est l'Unique Sauveur
- (La proclamation et l'instauration du) Royaume de Dieu (sont l'objet de LA Mission)
- L'Esprit Saint (est le) protagoniste (l'acteur essentiel) de La Mission
- Les horizons immenses de La Mission "Ad Gentes" : tous les hommes, tous les peuples
- Les voies de La Mission: le témoignage, la première annonce de Jésus-Christ Sauveur, LES COMMUNAUTES ECCLESIALES DE BASE, force d'Evangélisation...(paragraphe 51)
- Les responsables et les agents de la pastorale missionnaire, les missionnaires, les prêtres diocésains, les laïcs
- La coopération à l'activité missionnaire
- La spiritualité missionnaire
Le Pape enfin, dans une conclusion admirable, confie l'Eglise, la Mission et ceux qui se consacrent à La Mission,à la médiation de Marie, (qui est toujours) tout orientée vers le Christ et tendue vers la Révélation de sa puissance de salut.
Réponses aux objections
Car aujourd'hui encore, 25 ans après VATICAN II, bien des objections nous sont faites lorsque nous nous efforçons de nous impliquer dans une action missionnaire. Vous les connaissez pour les avoir entendues cent fois!
JEAN-PAUL II les connaît bien. Aussi il entend y répondre clairement par cette encyclique; et ce n'est pas là un des moindres intérêts du document.
Reportez-vous aux paragraphes eux-mêmes, mais écoutez déjà
1°/ La mission auprès des non chrétiens est-elle encore actuelle? N'est-elle pas de nos jours remplacée par le "dialogue interreligieux" ?
La mission auprès des non chrétiens est plus actuelle et plus nécessaire que jamais. Le salut étant destiné à tous les hommes, il doit être offert concrètement à tous les hommes. (paragraphe 10)
Il faut savoir, en effet, qu'il n'y a pas contradiction entre l'annonce du Christ et le dialogue interreligieux. Celui-ci fait partie de la mission de l'Eglise.
Il ne s'oppose pas à la mission "AD GENTES" qui a pour destinataires ceux qui ne connaissent ni le Christ, ni l'Evangile, et qui, en grande majorité appartiennent à d'autres religions. DIEU APPELLE A LUI TOUTES LES NATIONS DANS LE CHRIST... ET LE CONCILE AFFIRME CLAIREMENT- "LE SALUT VIENT DU CHRIST. LE DIALOGUE NE DISPENSE PAS DE L'EVANGELISATION"... (paragraphe 55.)
2°/ Le respect de la conscience et de la liberté de l'Homme n'exclut-il pas toute conversion?
Non. Ni l'annonce, ni le témoignage du Christ, quand ils sont faits dans le respect des consciences,ne violent la liberté. Certes, la foi exige la libre adhésion de l 'homme. MAIS DOIT ETRE PROPOSEE parce que les multitudes ONT LE DROIT de connaître la richesse du Mystère du Christ... (En lui), elles trouvent ce qu'elles cherchent à tâtons au sujet de Dieu, de l'homme, de son destin, de la vie, de la mort, de la vérité... Et l'homme est libre (de décider ou non de sa conversion).. (paragraphe 7, 39.)
3°/ Ne peut-on faire son salut dans d'autres religions?
JEAN-PAUL II précise pour ceux qui sont préoccupés pour le salut de ceux qui font partie d'autres religions: Ils peuvent recevoir la grâce de Dieu et être sauvés par le Christ en dehors des moyens ordinaires que Lui-même a institués. Mais cela n'annule pas l'appel à la foi et au baptême que Dieu veut pour tous les peuples.... (paragraphes 10 et 55.)
4°/ La promotion humaine ne constitue-t-elle pas un objectif suffisant (pour la mission)?
Non. La promotion humaine n'est pas un objectif suffisant pour la Mission.
Il est vrai que l'Eglise a toujours su éveiller parmi les populations qu'elle évangélise un élan vers le progrès... Mais sa mission spécifique n'est pas d'agir sur les plans économiques, techniques, politiques ou de contribuer matériellement au développement, ELLE CONSISTE A OFFRIR AUX PEUPLES NON PAS UN "plus d'avoir" MAIS UN "plus d'être", EN EVEILLANT LES CONSCIENCES PAR L'EVANGILE. Le développement humain authentique doit se fonder sur UNE EVANGELISATION TOUJOURS PLUS PROFONDE.
LE MEILLEUR SERVICE A RENDRE A L 'HOMME EST L'<a _fcknotitle="true" href="EVANGELISATION">EVANGELISATION</a>. Elle le dispose à s'épanouir comme fils de Dieu, le libéré des injustices et encourage son développement intégral... paragraphe 58,59.
5°/ Alors, pourquoi la mission?
JEAN-PAUL II le rappelle:
" A la question pourquoi la mission ?, nous répondons, grâce à la foi et à l'expérience de l'Eglise, que la véritable libération, c'est s'ouvrir à l'amour du Christ.
En lui, et en lui seulement, nous sommes libérés de toute aliénation et de tout égarement, de la soumission au pouvoir du péché et de la mort. Le Christ est véritablement "notre paix" (Ep 2,14), et "l'amour du Christ nous presse" (2 Co 5, 14), donnant à notre vie son sens et sa joie. La mission est un problème de foi, elle est précisément la mesure de notre foi en Jésus-Christ et en son amour pour nous.
Aujourd'hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une "sécularisation progressive du salut", ce pourquoi on se bat pour l'homme, certes, mais pour un homme mutilé,ramené à sa seule dimension horizontale, Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral qui saisit tout l'homme et tous les hommes, en les ouvrant à la perspective merveilleuse de la filiation divine.
Pourquoi la mission ? Parce que, à nous comme à saint Paul, "a été confiée cette grâce-là, d'annoncer aux païens l'insondable richesse du Christ" (EP 3,8). LA nouveauté de la vie en lui est la Bonne Nouvelle pour l'homme de tous les temps: tous les hommes y sont appelés et destinés. Tous la recherchent effectivement, même si c'est parfois de manière confuse, et tous ont le droit de connaître la valeur de ce don et d'y accéder. L'Eglise, et en elle tout chrétien, ne peut cacher ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes.
Voilà pourquoi la mission découle non seulement du précepte formel du Seigneur, mais aussi de l'exigence profonde, de la vie de Dieu en nous. Ceux qui font partie de l'Eglise catholique doivent se considérer comme privilégiés et, de ce fait, d'autant plus engagés à donner un témoignage de foi et de vie chrétienne qui soit un service à l'égard de leurs frères et une réponse due à Dieu, se souvenant que "la grandeur de leur condition doit être rapportée non à leurs mérites, mais à une grâce spéciale du Christ; s'ils n'y correspondent pas par la pensée, la parole et l'action, ce n'est pas le salut qu'elle leur vaudra, mais un plus sévère jugement".
Ce trop rapide article n'est que prémices. Il n'a pour objectif que de nous mettre l'eau à la bouche. Nous poursuivrons cette étude. Dans le prochain numéro vous y découvrirez ce qui constitue l'épine dorsale de l'encyclique: l'objet et les conditions de LA MISSION.
Procurez-vous vite ce document Lisez-le. Annotez-le. Imprégnez-vous de son esprit. Vous y acquerrez, si vous ne l'avez pas déjà, le goût de la Mission.
Dans tous les cas, vous serez réconfortés et confortés dans votre action.
Mise à jour : 25/04/2004
Auteur : Françoise LUCROT (AFALE France)
Publié dans l’AFALE Magazine n° 159 de février 1991