Le 8 décembre à Lyon et la dévotion des Lyonnais à la Vierge Marie

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La dévotion lyonnaise à la Vierge Marie est très ancienne. On pourrait la suivre de façon assez précise à travers presque vingt siècles,c'est-à-dire depuis les origines apostoliques.

Voici quelques étapes qui montrent comment, peu à peu, les Chrétiens de Lyon en sont venus à célébrer et à prier Marie Immaculée bien avant que ce dogme de l'Immaculée Conception ne soit proclamé officiellement dans l'Église.

C'est Saint Potin, premier évêque de Gaule (87-177), qui déjà transmet le message, sur l'inspiration reçue de !'Apôtre Jean par son maître Saint Polycarpe (70-156), et il invite les chrétiens à prier cette femme exceptionnelle qui, au pied de la Croix, est devenue leur mère à tous.

Très tôt, un oratoire dédié à Marie est construit sur le vieux forum lyonnais, c'est-à-dire la colline de Fourvière.

Au 7ème siècle, se répand peu à peu, à partir de l'Orient, l'affirmation selon laquelle la Mère du Sauveur a été absolument parfaite dès sa conception, et l'histoire nous a conservé une preuve très claire de cette croyance dans le peuple chrétien de Lyon.

On célèbre ici, en 1140 une fête de l'Immaculée Conception de Marie. On le sait par une lettre de Saint Bernard au clergé de la ville. Il écrit en effet pour dire qu'il n'est pas d'accord avec l'affirmation de l'Immaculée Conception, car il pense que Marie, elle aussi, a été rachetée par le Christ et qu'elle ne peut donc pas recevoir ce titre d'Immaculée.

C'est plus tard bien sûr que les théologiens montreront que les deux points de vue ne sont pas contradictoires, que Marie,rachetée par son Fils, par avance, à cause de sa mission spécifique peut être Sainte et Immaculée.

Pendant toute la fin du Moyen Age, Lyon attirera des foules de pèlerins, qui viendront prier Marie et demander sa protection.

Au cours des siècles, il y aura des heures sombres, en particulier lorsque la Chapelle de Fourvière, comme beaucoup d'églises lyonnaises, sera saccagée par les calvinistes en 1562. A plusieurs reprises, dans le siècle qui suivra, la ville sera ravagée par la peste, ce fléau imprévisible, qui décimait la population des villes, et était si redouté.

En 1643, la peste faisait de plus en plus de victimes, et les échevins, magistrats municipaux,voyant qu'il n'y avait pas de remède humain à cette calamité, pensèrent que le plus grand bien qu'ils pouvaient procurer à la ville était de la placer sous la protection de la Vierge Marie.

Alors ils s'engagèrent à aller eux-mêmes tous les ans, le 8 septembre, jour de la fête de la Nativité de Marie, à la messe à Fourvière et à offrir sept livres de cire blanche et un écu d'or en hommage à la Très Sainte et Immaculée Vierge Marie.

Nous sommes deux siècles avant la proclamation du dogme de !'Immaculée Conception, et la piété lyonnaise affirme ainsi solennellement sa foi au privilège de Marie, conçue sans péché et comme le portera une inscription au bas d'une statue " libératrice de la ville et victorieuse de la peste ".

Dans les décades suivantes, on voit tour à tour à Lyon, des inondations, les excès de la révolution, le choléra et bien d'autres malheurs encore, mais chaque fois on s'adresse à la Vierge Immaculée car, nous disent les chroniqueurs, " la population lyonnaise sait qu'elle ne recourt jamais inutilement à la Mère de Dieu ".

L'année 1852

Dernier point de repère: l'année 1852. La basilique que nous connaissons n'était pas encore construite. On achève à Lyon la reconstruction du clocher de la vieille chapelle de Fourvière. Au sommet de l'édifice, il est prévu de placer une statue de la Vierge Marie en bronze doré.

Elle doit être inaugurée le 8 septembre mais une inondation dans l'atelier du fondeur exécutant l'œuvre de Fabish, retarde la cérémonie au 8 décembre, fête de l'Immaculée Conception. La statue est mise en place ce jour-là.

Le 8 décembre, le clergé de Fourvière voulait éclairer la nuit venue le clocher et le piédestal de la statue et " quelques personnes", peut-être des membres de la Congrégation, avaient suggéré, par un "bouche à l'oreille", de s'associer au sanctuaire par des illuminations privées chacun par sa fenêtre. Antique et classique procédé de réjouissance: quand les rues étaient sombres ou noires, la manifestation d'une joie collective commençait en y allumant lanternes et lampions.

Ayant d'abord apparemment rencontré un maigre succès, les promoteurs de cette idée étaient convaincus de leur échec quand, en plus, dans l'après-midi, un orage violent s'abattit sur la ville, n'empêchant pas le cardinal de Bonald de bénir la statue, mais ôtant tout espoir d'éclairer quoi que ce fut et de faire les feux d'artifice prévus. Par avis affiché aux portes des églises, on se hâta de renvoyer l'illumination au 12 décembre.

Et voici qu'en fin de soirée, la pluie avait cessé, le vent était tombé et le ciel s'était dégagé. Apparaissent alors à quelques fenêtres des lumignons que le maître des cérémonies de Saint Jean, essaya en toute hâte et vainement de faire éteindre, pour les réserver au Dimanche.

Mais de fenêtre en fenêtre, les lampions s'allumaient, et les stocks d'huile et de bougies furent sur l'heure épuisés chez les commerçants. La ville s'embrase en un instant. Bientôt il ne resta plus aucune fenêtre obscure sur la vaste étendue des quais, des rues, des passages ignorés et des cours invisibles. Les petits marchands illuminent leurs baraques, leurs voitures et jusqu'aux bordures des trottoirs. Au dire des témoins, ce fut bientôt, sur la colline et dans toute la ville, une immense féerie de lumière.

Quelques feux de Bengale s'allument sur les toits de la Chapelle de Fourvière. La statue de la Vierge apparaît et la cloche de la cathédrale Saint Jean est lancée à toute volée. A 20 heures la population entière est dans la rue, circulant, paisible et attendrie. On se serre la main sans se connaître, on chante des cantiques, on applaudit, on crie: " Vive Marie ! ".

L'événement éphémère d'une nuit devient une institution. Grande émotion de l'archevêque et des catholiques; forte impression chez les autorités publiques qui pouvaient constater de visu le poids de l'influence religieuse à Lyon et la foi en Marie.

Le dimanche 12 décembre, l'illumination se répéta, aussi belle, soutenue par les Pouvoirs Publics qui réglementèrent la circulation dans les rues pour que la foule ne fut pas gênée, et illuminèrent les bâtiments officiels.

" Un magnifique transparent, représentant la Vierge entre deux anges, était placé dans la grande cour de la Préfecture ", alors aux Jacobins.

C'est à la deuxième fois que naît une coutume.

On prépare avec soins les illuminations de 1853. Le 8 décembre, l'illumination embrasa la ville, encore plus brillante; la coutume était lancée. En toute spontanéité, soulignons-le, car, si les maisons religieuses entrèrent tout de suite dans le jeu, le clergé paroissial, sauf exceptions individuelles certainement, ne fit rien pour influencer les fidèles.

Quant à celles de 1854 elles sont un triomphe. La joie des Lyonnais fut encore plus grande, et les illuminations plus nombreuses car ce 8 décembre 1854 le pape Pie IX proclama officiellement le dogme de l'Immaculée Conception.

Depuis chaque année, le soir du 8 décembre, les Lyonnais illuminent leur ville pour la fête de l'Immaculée Conception.

En 1855 encore, lors d'une assemblée des curés chez l'archevêque, la consigne fut : " Liberté à chacun dans son église. Point d'encouragement en chaire pour illuminer, laisser faire et illuminer chacun chez soi, si les fidèles en donnent l'exemple".

En 1858 la Vierge apparaît à Lourdes en disant à Bernadette Soubirous "Je suis l'Immaculée Conception", confirmant l'intuition populaire.

Ce n'est qu'en 1859 qu'on décida d'illuminer toutes les églises, pour ne pas " contrarier la piété des fidèles ", et pour ne pas faire moins que les édifices publics. Car ceux-ci (second empire obligeait), prenaient toujours part à la dévotion.

Les Hospices Civils de Lyon s'y mirent en 1857.

En 1864, la gendarmerie de la rue Sala, présenta, sous son portique, une chapelle de feuillage abritant une grande statue de la Vierge...

Cependant, chaque année, des choeurs de jeunes gens faisaient entendre des chants religieux un peu partout dans la ville et même, en 1863 et 1864, sur les bateaux descendant lentement la Saône et se répondant de l'un à l'autre.

Le 8 décembre 1870, à cause de la guerre, fut célébré sans lumière, en plein deuil national.

C'est alors que, pour remplacer l'illumination joyeuse, se fit le premier double pèlerinage à Fourvière, des femmes, puis des hommes, qui depuis n'a jamais cessé. Les anticléricaux enrageaient. On les comprend. Ils se rattrapèrent en 1874, en plein "ordre moral", quand la municipalité, sur un rapport de Gailleton, cessa, la première, d'éclairer les monuments.

L'histoire du 8 décembre n'a pas encore été faite sérieusement, et bien des faits sont mal connus: son extension hors de Lyon (elle connut flux et reflux), à partir de quand la fête religieuse a donné le départ de la saison commerciale d'hiver (dès 1878, un journaliste hostile essaye en ricanant de faire croire que le commerce a éteint la piété) ; les changements dans l'atmosphère politique (il y eut un mort en 1903) et dans l'attitude des autorités civiles; comment et depuis quand, à côté de la fête religieuse, se développa le syncrétisme d'une " fête des lumières" où, de la dévotion mariale jusqu'à l'hommage aux "vieilles divinités gauloises ", en passant par la fête populaire organisée et la publicité commerciale, il n'est pas toujours facile de faire l'historique.

Actuellement

Que reste-t-il de la Ville dont Gérard Colomb, et les notables ont perpétué la promesse des échevins du 8 septembre?

Le 8 décembre, la ville fait une grande fête de " son et lumière" où se presse une foule considérable, " mais où la Sainte Vierge a parfois du mal à trouver la place qui lui est due."

Depuis quelques années, la place de Marie reprend de l'importance, comme il se doit dans la fête populaire, mais Lyon donne toujours le nom de " fête des lumières" au 8 décembre. Beaucoup d'habitants illuminent leurs fenêtres avec des lampions. Un panneau lumineux, situé au pied de la basilique de Fourvière et visible d'une grande partie de la ville, rappelle Marie.

Dans plusieurs églises et notamment la cathédrale Saint Jean et l'église Saint Nizier, les portes sont ouvertes, le Saint Sacrement est exposé et une veillée de prière et d'évangélisation est faite.

Une procession lancée de la cathédrale Saint Jean par l'évêque coadjuteur, monte à Fourvière en chantant des cantiques et en récitant le chapelet. Elle est reçue à la basilique de Fourvière par le Cardinal Barbarin.

En 2004 les jeunes du Verdier ont organisé sur le parvis de la Cathédrale " Esprit Live ", un concert géant de rock chrétien où les fans applaudirent Jésus et la Vierge Marie.

Il semblerait qu'un grand spectacle " son et lumière" sur la Vierge Marie pour mieux replacer le 8 décembre de Lyon dans son contexte de la dévotion à Marie soit en préparation. Mais quel que soit le comportement de ses enfants de Lyon, la Vierge Marie ravie d'être dans le cœur de nombreux lyonnais, continue de veiller sur la ville et ses habitants.



Auteur : Marc de Saint Vaulry

Publié dans l'AFALE Magazine n° 312 de novembre 2006