Evangelium Vitae - l'évangile de la vie - Partie I

De Ebior
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"la Gloire de Dieu, c'est l’Homme Vivant" (Irénée de Lyon)

Le Pape gêne. Pourquoi ?

En premier lieu, parce que celui qui occupe la place symbolique du Père (qui rappelle le sens et la fin dernière de l'homme et ouvre la perspective sur le réel de la vie biologique et spirituelle) gêne toujours.

Il faut le tuer ou tout au moins : le réduire au silence : En cela Jean Paul II est bien un filial et véritable disciple du Christ. On sait, en effet, comment humainement parlant, cela s'est terminé pour Jésus.

Et parce que la parole de Jean Paul II a une force et un impact considérables. Sa formule "culture de mort " a fait mouche. Tous les éditorialistes la reprennent lorsqu'ils évoquent l'encyclique.

Ses écrits connaissent un succès de librairie étonne. VERITATIS SPLENDOR s'est vendue à 600.000 exemplaires, soit trois fois le tirage d'un Prix Goncourt.

Aussi EVANGELIUM VITAE va-t-elle faire l'objet d'une diffusion exceptionnelle. Les éditeurs se livrent à une féroce concurrence commerciale :

  1.  Mame-Plon, Présentation de Mgr Gérard Defois. 212 p.
  2.  Le Centurion, Présentation du Cardinal Pierre Eyt. 208 p.
  3.  Les Editions Desclée de Brouwer, Présentation de Luc Pareydt, s.j. 125 p.
  4.  Brepols, Présentation de Gaston Piétri. 212 p.
  5.  Livre de Poche, Présentation du Père Philippe Laurent, s.j.
  6.  Ed. Téqui,
  7.  Et pour la première fois, une maison "profane", les Editions Flammarion, s'associe avec les Editions du CERF, pour rejoindre le peloton (avec une présentation remarquable de Xavier Lacroix. 172 p.) .

Je disais qu'il fallait tuer cette voix... Elle est trop gênante.

Certes, avec l'évolution des moeurs et les progrès des techniques de manipulations médiatiques, peut-être n'est-il plus nécessaire d'avoir recours à la mort physique (n'oublions pas cependant que Jean-Paul II a été victime d'un attentat sur la Place St Pierre, le 13 mai 1981. Le Pape est persuadé, à juste titre, d'avoir été, ce jour-là, l'objet d'une protection particulière de Marie). On peut faire appel à des moyens plus subtils. Il suffit par exemple de procéder par anticipation ou de saper intellectuellement son autorité.

Alors devançant une fin prochaine éventuelle (le Pape, comme tout humain est mortel, et nous le savons atteint d'une maladie particulièrement perfide), on parle à la parution de chacun de ses écrits de "TESTAMENTS".

Combien de testaments lui a-t-on ainsi fait écrire depuis trois ans ?

Aujourd'hui, "le Parisien Libéré" récidive : Il titre en première page dans son numéro du 31 mars  1995 pour présenter "L'EVANGELISATION DE LA VIE" : "le testament du Pape".

Chacun de ces prétendus "testaments", constitue en réalité de remarquables et émouvants PLAIDOYERS pour la vie, de véritables HYMNES A LA VIE.

Mgr Gaillot, lui, avec l'habileté qu'on lui connaît, feint simplement de regretter que le Pape n'ait pas parlé du sida et du préservatif.

La technique commence à être bien connue : on part d'un fait spécifique suscitant l'émotion pour occulter l'aspect global de la situation. On relativise ainsi le tout à partir d'un cas particulier.

Au nom du latex (et du drame atroce qu'est le sida, de la compassion légitime que nous avons tous envers les victimes), on vise en réalité à interdire l'annonce des exigences de la morale évangélique.

Tony ANATRELLA, dans le numéro des 2 et 3 mars 1995 du "Monde", observe à ce propos :

"Si le préservatif (est) l’un des modes de protection à recommander dans un souci sanitaire, c'est le discours qui l'entoure et la façon dont la société s'empare de la sexualité des jeunes qui pose des problèmes psychiques, sociaux et moraux... Le sexe est instrumentalisé sans être signifié par la qualité de la relation avec l'autre.

"Quel modèle de sexualité sommes-nous en train de fabriquer à travers la prévention du sida ?"

Certains utilisent d'autres arguties pour contester le bien-fondé et l'objectivité de l'encyclique, telle l'explosion démographique. On passe alors sous silence tous les travaux de la Conférence du Caire et les propositions positives présentées par le Saint-Siège. Certes l'explosion démographique pose à l'humanité un grave problème de fond. Jean Paul II y revient dans l'Encyclique (§ 91). Mais nous n'avons pas à le traiter par la mort d'enfants innocents.

D'autres avancent les progrès des techniques médicales pour affirmer qu'elles exigent désormais une remise en cause de nos comportements moraux.

Enfin - et j'arrêterai le catalogue - certains dénoncent une prétendue absence de concertation oecuménique.

L'encyclique, une oeuvre collégiale

Il faut ici rappeler ce qu'est une encyclique. Le mot vient du grec et signifie "circulaire".

Il s'agit d'une lettre adressée par le Pape à tous les évêques et à travers eux à tous les fidèles à propos d'un problème d'actualité. Bien sûr, elle expose et propose également aux non catholiques la position de l'Eglise sur la question.

Or attendue depuis plusieurs années, l'EVANGILE DE LA VIE est une oeuvre collégiale de longue haleine. Jean Paul II en avait déjà entretenu les cardinaux au cours du Consistoire des 4-7 avril 1991. Puis dans sa lettre du 28 juin 1991 transmise à tous les évêques, il invitait ceux-ci à lui faire part de leurs suggestions. Ensuite, le Conseil pontifical de la Famille n'a cessé de multiplier les consultations auprès des spécialistes, ou lors des réunions d'évêques chargés de la Pastorale familiale au sein de leurs conférences épiscopales. Enfin, le 3 mars dernier, 25 présidents de conférences épiscopales du monde entier en ont relu les épreuves. Devant les observations opposées par certains, il n'était pas inutile de rappeler ce processus collégial de réflexion.

Nous reviendrons dans un prochain numéro  sur la portée concrète du document. Nous l'approfondirons en équipe. Il ne s'agit aujourd'hui que d'exprimer nos premières impressions. Mais il nous faut cependant dès maintenant souligner la spécificité et la nouveauté d'EVANGELIUM VITAE".

Cette, encyclique n'est pas un traité de théologie morale, encore moins un catalogue de prescriptions. C'est un document de nature quasi sociologique sur les grandes questions de la mort et de la vie, qui se posent à la culture moderne et à notre société démocratique.

Le texte puise toujours son autorité de la tradition biblique, ainsi que des approfondissements des Pères, de l'Eglise et du Magistère romain (notamment Vatican II).

Sa nouveauté se situe dans l'examen de conscience posé à la société et à l'Etat par les phénomènes sociaux, que le Pape constate et interprète comme un effondrement du sens moral :

"Des crimes sont devenus des droits revendiqués et reconnus par la loi, mis en oeuvre grâce à l'intervention gratuite des services de santé".

En fait, cette encyclique vise moins à traiter des actes individuels que de la mentalité qui y a conduit et de la responsabilité collective de notre société et de l'Etat aux niveaux de :

  1.  l'avortement : Je déclare que l’avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin et comme moyen, constitue un désordre moral grave en tant que meurtre délibéré d’un être humain.
  2.  les manipulations et transplantations de cellules foetales : l’utilisation de foetus humains encore vivants comme matériel biologique est moralement condamnable. Tuer des créatures innocentes même si c'est à l’avantage d'autres, constitue un acte inacceptable.
  3.  la contraception et la procréation artificielle : contraception et avortement sont des maux spécifiques différents, mais étroitement liés... La procréation artificielle est moralement inacceptable, parce qu'elle sépare la procréation du contexte intégralement humain de l'acte conjugal.
  4.  le diagnostic prénatal: qui est moralement licite lorsqu'il permet une thérapie précoce, mais est inacceptable lorsqu'il est mis au service d'une mentalité eugénique afin d'empêcher la naissance d'enfants affectés de différents types d'anomalies.
  5.  l'euthanasie : Je confirme que l'euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d'une personne humaine. La vraie compassion rend solidaire de la souffrance d'autrui. Elle ne peut tuer. L'euthanasie est une forme de suicide assisté.

Mais le Pape prend le soin de condamner parallèlement l’acharnement thérapeutique.

  1. La peine de mort : La peine de mort est réservée aux cas de nécessité absolue, lorsque la défense de la société l’exige. Et le Pape se félicite que l'on enregistre dans la société civile, comme dans l'Eglise, une tendance grandissante à en réclamer une application très limitée, voire sa totale abolition."

Le primat de la miséricorde

Après avoir condamné ces faits de société, Jean Paul II n'a garde de rappeler le primat de la Miséricorde divine en faveur des personnes.

D'où, à propos du problème de l'avortement, cette magnifique adresse aux femmes qui ont dû avoir recours à l'avortement :

"L'Eglise sait combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision, et elle ne doute pas que, dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n'est pas encore refermée. En réalité, ce qui s'est produit a été et demeure profondément injuste. Mais ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l'espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s'est passé et interprétez-le en vérité. Si vous ne l'avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir: le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. Vous vous rendre"' compte que rien n'est perdu et vous pourrez aussi demander pardon à votre enfant qui vit désormais dans le Seigneur"...

Pour une nouvelle culture de la vie humaine

Enfin, tout le chapitre IV oppose aux malheurs de ce temps les promesses de Dieu et la force constructrice de l'Evangile "source de joie et de salut" que l'Eglise a reçu de Jésus Lui-même, envoyé du Père pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Nous y reviendrons.

La vocation de l'homme

J'espère vous avoir communiqué le désir "irrésistible" de lire cette encyclique majeure au plus tôt. Je n'avais d'autre ambition.

Et puisqu'elle s'intitule L'EVANGILE DE LA VIE, laissez-moi terminer en donnant à nouveau la parole au Pape sur la valeur incomparable de la Personne humaine:

"L’homme est appelé à une plénitude de vie qui va bien au-delà des dimensions de son existence sur terre, puisqu'elle est la participation à la vie même de Dieu.

"La profondeur de cette vocation surnaturelle révèle la grandeur et le prix de la vie humaine, même dans sa phase temporelle. En effet, la vie dans le temps est une condition fondamentale, un moment initial et une partie intégrante du développement entier et unitaire de l'existence humaine. Ce développement de la vie, de manière inattendue et imméritée, est éclairé par la promesse de la vie divine et renouvelé par le don de cette vie divine. il atteindra son plein accomplissement dans l'éternité (cf 1 Jn 3, 1-2)"...


Suite


Auteur : Louis LUCROT (AFALE France)

Publié dans l’AFALE Magazine n° 202 d' Avril 1995