Salut des non-chrétiens (I)

De Ebior
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  ETAT DE LA QUESTION

AVANT VATICAN II

Sources:

J. RIES, Les chrétiens parmi les religions (" Le Christianisme et la foi chrétienne. Manuel de Théologie", 5), Paris, 1987,

G. THILS, Propos et problèmes de la théologie des religions non chrétiennes ("Eglise vivante"), Tournai, 1966.

  Salut des personnes non-baptisées

Une manière d'aborder les religions est de s'arrêter aux personnes, aux êtres humains qui en sont membres. Dans la tradition théologique, il existe un courant qui parle du salut des infidèles, ou du salut des païens, des Gentils, etc.

 S.HARENT, Infidèles (Salut des) , ,dans le D.T.C., vol. VII, 2,1927, col 1726-1930

 A.d’ALES ,Salut des infidèles, dans Dictionnaire apologétique de la foi catholique , vol.IV,Paris,1928,col. 1157-1182;

 L. CAPERAN,Le problème du salut des infidèles, Toulouse, 1934.

C'est ici que nous trouvons les thèmes suivants: la prédication de Jésus aux enfers, la théorie des limbes, la théorie du désir du baptême, la théorie de la foi implicite.

Les théologiens cherchent à montrer que les non baptisés peuvent être sauvés sous certaines conditions. La plupart des théologiens distinguent les êtres humains qui sont venus avant le

Christ et les êtres humains qui sont nés après la mort du Christ Cette tradition théologique n'envisage pas les religions, de manière directe, comme des ensembles organiques.

Les religions d'après l'apologétique du XIXème siècle

L'apologétique du XIXème siècle parle de la vraie religion; la religion chrétienne qui est vraie parce que fondée par le Fils de Dieu. Nous avons des preuves de la divinité du Christ dans les prophéties et les miracles. Le plus grand miracle est la résurrection.

Les autres religions n'étant pas fondées par le Fils de Dieu, elles sont inférieures à la religion chrétienne, et même de fausses religions dans la mesure oû elles adorent des idoles, dans la mesure où leur fondateur n'est pas un saint, mais un pécheur.

En dehors du courant qui examine les non-baptisés et les religions fausses; il existe dans la tradition théologique d'autres courants

Je m'en tiendrai à un seul, celui qui parle des religions comme des ensembles structurés. Et pour en manifester les apports plus ou moins déterminants, je vais décrire les découvertes du courant qui aboutit au concile Vatican II.

  Approches nouvelles, du XIXème siècle à Vatican II

   Témoins qui font avancer la réflexion

  • John Henry Newman (1801-1890)

Accueilli dans l 'Eglise catholique en 1845, Newman envisage les religions à partir des textes attribués aux Pères de l'Eglise d'Alexandrie d'Egypte; Clément en particulier, qui ont approfondi la manifestation du salut en parlant d'une économie

  •  histoire du salut
  •  théologie de l'histoire du salut

selon trois étapes:

  1. - le paganisme
  2. - le judaïsme
  3. - le christianisme

L’histoire de l'humanité est une grande institution dans laquelle opère le Logos divin, qui s'est servi des symboles et des instruments des diverses cultures et peuples.

Depuis la création de l'être humain, Dieu déroule une Alliance qui a revêtu diverses formes et emprunté plusieurs voies pour aboutir à son étape définitive, le Christ.

Pour Newman, le paganisme n'est pas une religion créée par la raison seule, mais elle est créée aussi avec l'aide de Dieu. Newman écrit cela pour intégrer toutes les religions dans une sorte de préparation à l'Evangile.

Chaque être humain entre dans la sphère du divin, selon le temps, selon l'espace, selon sa religion, et rejoint ainsi l'économie divine qui a sa source dans le Christ

  • Nathan Söderblom(1866-1931)

Luthérien nommé à l'université d'Uppsala en Suède, Söderblom devient archevêque d'Uppsala en 1914. D'après lui, l 'histoire des religions débouche sur une preuve de la révélation divine . La révélation est venue par Jésus, par les Prophètes, Zarathoustra et d'autres génies religieux.

La révélation engendre une mystique qui est présente dans les grandes religions et qui atteint son sommet en Jésus. Dans toutes les religions, il existe une rencontre avec le divin.

  • Rudolf Otto (1869-1937)

Otto tente de démontrer que les religions manifestent, depuis toujours, une dimension fondamentale de l'être humain: l'expérience du salut dans le contact avec le divin. Après avoir ressenti la faiblesse de son état de créature, l'être humain fait en présence du divin une expérience du mystère. Otto passe en revue quelques religions pour en tirer l'expérience fondamentale du salut.

  • Mircéa Eliade(1907-1986)

Mircéa Eliade élargit l'intuition de Söderblom et de Otto en parlant d'expérience du sacré. Avec Eliade, nous avons le thème de l'homo religiosus, qui cherche auprès du sacré le sens du cosmos et de la vie, qu'il exprime, manifeste, transmet par des symboles, des mythes, des rites.

On pourrait ajouter ici les vues convergentes de Georges Dumézil (1868-1986)

   Systématisation de la réflexion

Parallèlement aux recherches de Newman, Söderblom, Otto et Eliade, la tradition théologique occidentale a été aux prises, en dialogue, avec l'athéisme, l'incroyance pratique..

Pour les uns, l'être humain n'a pas de dieu, il est humain dans la mesure où il se libère des représentations de dieux, des images d'un dieu, des représentations néfastes du divin.

Pour les autres, l'être humain est religieux . Il se trouve lui-même quand il fait l'expérience du sacré, du divin.

Jusque dans les années soixante de ce siècle, une grande partie des publications a cherché à comprendre l'athéisme, à discuter avec lui. La majorité des théologiens n'aimaient pas tellement que l 'on dise que l'être humain était religieux "par nature", la foi étant quand même d'un autre ordre que la religion.

C'est depuis les années septante que l'importance des grandes religions, dans la réflexion théologique, a commencé à se faire plus prégnante.

En même temps que l'impact des grandes religions est venu un nouvel intrus, qu'on appelle le sacré sauvage, manifesté dans de nombreuses sectes.

Nous sommes ainsi au plan théologique devant trois objets assez distincts:

  • - l'athéisme
  • - les grandes religions
  • - les sectes, ou le religieux irrationnel
  • Karl Barth (1886-1968)

De tradition réformée de tendance calvinienne, Karl Barth fait la distinction entre religion et foi.

L'être humain est sauvé par la foi. La religion est d'abord une oeuvre humaine, une sorte d'autojustification de la personne humaine. Par conséquent, la religion, les religions ne permettent pas la connaissance de Dieu, l'accueil du salut du Christ.

Cette position, relayée par le missiologue H. Kraemer, justifie l' évangélisation.

  • Questions théologiques difficiles

La position de Barth ne fait pas l'unanimité.

Certains se demandent si les religions ne peuvent pas considérées comme être considérée comme une préparation à l’Évangile ( formule d'Eusèbe de Césarée ).

D'autres se demandent si les religions n'apportent pas quelque chose au mystère du salut de leurs membres, mystère du salut en Jésus-Christ.

Les membres des autres religions sont-ils sauvés en Christ, en dehors ou à l' intérieur de leur propre religion, malgré celle-ci ou en vertu de celle-ci ?

Les religions seraient-elles elles aussi, des voies de salut ? Peut-on parler de salut sans l'Evangile?

Ces questions surviennent en fonction de facteurs extérieurs à la théologie

1. Connaissance approfondie des grandes religions (hindouisme, bouddhisme, islam)

2. Reconnaissance d'états mystiques, de miracles, dans les grandes religions . De méme interrogations sur les prophètes non-chrétiens, non-Juifs.

3. Surprise de constater que loin d'ètre en déclin, les grandes religions ont de nouveaux adeptes, y compris dans le monde occidental.

Le christianisme devient une religion parmi d' autres.

Sources:

- J. DUPUIS, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux ("Cogitatio Fidei ", 2000), Paris, 1997, p. 195-238.

- J. GELOT, Vers une théologie chrétienne des religions non chrétiennes, in Islamochristiana, 2, 1976 , p. 1-57.

Face aux questions théologiques difficiles, des théologiens catholiques ont élaboré des réflexions développées, qu'on peut classer en deux types ou théories

Les religions représentent le désir inné de l 'être humain de s'unir au divin dont il existe des expressions variées dans les différentes cultures et aires géographiques du monde. Ce sont les religions dites naturelles.

Ceci pour les distinguer de la religion surnaturelle, le christianisme. Grâce au christianisme, le salut parvient aux membres des autres religions comme étant la réponse divine à l'aspiration religieuse exprimée dans la religion de chacun.

Tout ce qu'il y a de bien, de beau et de vrai dans les religions trouve son "accomplissement" dans le christianisme.

Les religions ne jouent elles-mêmes aucun rôle dans le mystère du salut.

Parmi les tenants de cette position, nous avons Jean Daniélou, Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar.

Les religions représentent en elles-mêmes des interventions distinctes de Dieu dans lhistoire du salut. Cependant, ces interventions de Dieu sont ordonnées vers l'événement salvifique décisif qui a eu lieu en Jésus-Christ.

Par conséquent, les religions ont un rôle positif de préparations à l'Evangile .

Certes, le mystère du Christ est unique, mais les religions font partie du dessein de salut de Dieu. Aucune religion n'est purement naturelle. Chacune bénéficie d'une intervention divine dans l'histoire des nations, et chacune participe à la médiation du mystère du salut en Christ.

Le mystère du Christ est "présent " dans chacune des religions

Parmi les tenants de cette position, nous avons: Karl Rahner, Raimundo Panikkar , Hans Küng, Gustave Thils 

1. Ces deux positions (accomplissement et présence inclusive du Christ) affirment la possibilité pour des personnes non-membres de l'Eglise, d'être sauvées en Jésus-Christ.

2. Les deux positions divergent sur l'appréciation des religions vis-à-vis du Christ sauveur:

Pour la théorie de l 'accomplissement, les religions peuvent être une préparation à l'Evangile; avant l 'événement Jésus-Christ, Mais, depuis la mort du Christ, les religions n'ont plus d'incidence sur le salut de leurs membres.

Pour la théorie de la présence inclusive du Christ, les religions gardent une valeur pour leurs adhérents tant que l'Evangile n'est pas explicitement annoncé à chaque personne individuellement.

Nous avons ici le débat fondamental qui donne naissance à la théologie des religions.

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Présenté  lors de la  Session 2003  de l 'AFALE-BELGIQUE

Auteur : Mgr Guy HARPIGNY, évêque de Tournai (Belgique) et  ancien doyen principal de la région de Mons-Borinage