Le Jeudi Saint, Jésus lave les pieds des apôtres

De Ebior
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Écouter les textes sacrés

Chaque année, particulièrement au temps de Pâques, lors des grandes cérémonies liturgiques de la Semaine Sainte, l'Eglise nous donne la joie d'entendre les plus beaux textes de l'Écriture, les plus sacrés, ceux par lesquels le Seigneur Notre Dieu nous fait connaître ses plus hauts secrets, ceux qu'Il réserve à ses amis.

Lorsque nous les écoutons humblement, longuement, dans la prière, ils ont le don de nous apparaître chaque fois plus porteurs de mystère, plus profonds.

Cette année, unis avec la chrétienté tout entière, en ces temps si terribles, écoutons avec une ferveur particulière ces textes magnifiques, en demandant à Dieu de faire miséricorde au monde.

Être fidèles à la pédagogie divine

Dans ces textes révélés, Dieu nous parle. Il nous fait entrevoir la puissance et la portée spirituelle de son Message de Salut. Il s'agit donc, pour nous, d'entendre ce qu'Il nous dit en toute Vérité, non de le réduire "au ras des pâquerettes".

Il nous faut être fidèle à la pédagogie divine, c'est-à-dire commencer par un texte très ancien du Premier Testament où le thème émerge, l'approfondir dans un texte plus récent, toujours de l'Ancien Testament, les prophètes par exemple, pour l'écouter enfin pleinement explicité par Jésus Christ dans l'Évangile.

Sachons qu'un événement est toujours éclairé dans l'Écriture par un autre événement, une expression par une expression parallèle située dans un autre texte. Des perspectives se trouvent ainsi dégagées, ouvertes. Le texte s'approfondit, enrichi de la prière de tous ceux qui l'ont reçu et transmis.

Les textes du Premier et du Nouveau Testaments, sont beaucoup plus grands et plus vénérables qu'ils ne le paraissent à première vue. Ils se sont chargés au fil des siècles, de la méditation des grands saints d'Israël et de l'Eglise. C'est ce que traduit la Tradition orale qui nous est transmise par les Pères de l'Eglise et les grands auteurs de la spiritualité chrétienne.

Comme le rappelle le Concile Vatican II, la Tradition écrite - la Bible - se trouve éclairée, renforcée par la Tradition orale, déjà très vivante à l'époque de Jésus et des apôtres (Constitution Dogmatique Dei Verbum, § 24).

Lorsque nous entrons dans cette démarche : Ancien Testament + Nouveau Testament + Tradition, nous comprenons le sens plein, profond des gestes et déclarations de Jésus. Ils pourraient nous paraître obscurs à première lecture, mais pour les contemporains instruits dans cette Tradition, tout était clair.

Retrouver le sens et la portée réelle des Paroles de Jésus - non notre propre commentaire, si facilement obscurci par les anachronismes - c'est source d'une joie fulgurante !

Si l'on adopte cette démarche, l'épisode du lavement des pieds s'en trouve considérablement grandi. Il débouche sur plusieurs lectures qui, loin de s'opposer, s'éclairent réciproquement et harmonieusement. La lecture la plus connue est celle du service. Mais en approfondissant le texte, une autre se dessine.

Le Jeudi Saint, Jésus lave les pieds de ses apôtres,

Jn 13, 1-15

Le lavement des pieds s'est déroulé le Jeudi Saint au soir lors du Dernier Repas, le Seder, au cours duquel Jésus a, célébré la Pâque avec ses disciples (Jn 13). Il marque le commencement de la troisième partie de l'Evangile de Jean. Après le Prologue et le Ministère de Jésus, c'est l'Heure de Jésus, la Pâque de l'Agneau de Dieu.

Écoutons le texte de Saint Jean :

"Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout. Au cours d'un repas, sachant que le Père avait tout remis entre ses mains et qu'il s'en allait vers Dieu, il se leva de table, déposa ses vêtements, et prenant un linge, il s'en ceignit. Puis il mit de l'eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.

Il vint donc à Simon Pierre qui lui dit : "Seigneur, toi me laver les pieds !" Jésus lui répondit : "Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent, par la suite, tu comprendras". Pierre lui dit : "Non, tu ne me laveras pas les pieds. Jamais!" Jésus lui dit : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi". Simon Pierre lui dit : "Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête !" Jésus répondit : "Celui qui a pris un bain n'a pas besoin de se laver, il est entièrement pur... " Quand il leur eut lavé les pieds... il leur dit : "Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l'exemple pour que vous agissiez comme j'ai agi envers vous... Sachant cela, heureux serez-vous si vous le faites".

Jean qui nous relate cet épisode était très au fait des rites juifs et de tout ce qui touchait au culte du Temple. Au moment du procès de Jésus, c'est lui qui fait entrer Pierre sans difficulté chez le Grand Prêtre : "L'autre disciple (Jean), qui était connu du grand prêtre, sortit, dit un mot à la portière et fit entrer Pierre", Jn 18, 16.

Aussi, connaissait-il fort bien le rituel juif d'intronisation du grand prêtre et le grand rituel de la Pâque.

Il ne faut surtout pas confondre le rite qu'accomplit ici Jésus avec le rite d'accueil dû à un hôte, que Jésus reproche à Simon de ne pas lui avoir rendu (Lc 7, 44) et auquel Abraham est fidèle envers les trois Anges à Membré (Gn 18).

Ici, pour ce lavement des pieds, le terme "laver", tevila en hébreu, a le sens d'immersion pour une purification en vue d'un acte rituel sacré.

Ainsi, Naaman se lave, s'immerge sept fois dans le Jourdain sur l'ordre du prophète Élisée, pour se purifier de sa lèpre (2 R 5).

Et ce rite d'immersion est prescrit par Dieu à Moïse pour la consécration du Grand Prêtre Aaron et de ses fils :
"Voici ce que tu feras pour consacrer Aaron et ses fils à mon sacerdoce. Tu les feras approcher de la Tente du Rendez-vous. Tu les laveras avec de l'eau. Tu les oindras (tu les consacreras). Tu les ceindras d'une ceinture" (Ex 29, 1-7 et Lv 8, 6-7).

Trois rites accompagnent et sanctionnent cette consécration : le lavement rituel, l'onction et le vêtement sacerdotal (tu les ceindras). Ces rites furent perpétués lors de chaque consécration du Grand Prêtre. Ce sens d'immersion rituelle en vue d'une consécration sacerdotale concerne précisément ce passage de l'Évangile de Jean au chapitre 13.

Lavement des pieds et sacerdoce ministériel

Ce chapitre se situe dans cette perspective. Jean ne relate pas l'institution de l'Eucharistie, mais l'institution du Sacerdoce ministériel (chapitres 13 à 17). Ce chapitre 13fait partie de l'institution du Sacerdoce ministériel qui culmine dans la Prière sacerdotale au chapitre 17.

"Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi Je les ai envoyés dans le monde. Pour eux, Je me consacre moi-même, afin qu'eux aussi soient consacrés dans la Vérité".

Jésus, Grand Prêtre éternel, consacre ses disciples pour perpétuer son sacrifice. "C'est Lui, le Prêtre éternel et véritable, qui apprit à ses disciples comment perpétuer son Sacrifice", dit la Préface du Jeudi Saint. Jésus les y prépare par le lavement des pieds - rite de purification - que Jean décrit ici.

On comprend alors la défense de Pierre qui entrevoit l'importance du rite qu'accomplit Jésus et jusqu'où il se trouvera ainsi engagé : "Tu ne me laveras pas les pieds !" La réponse de Jésus : "Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi" (c'est-à-dire à mon sacerdoce de Prêtre éternel) et l'ultime réponse de Pierre : "Pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête". Il demande l'immersion, conforme à la consécration d'Aaron, de ses fils et de tout Grand Prêtre.

Nous réalisons ainsi la portée prospective des Paroles de Jésus : "Si je vous ai lavé les pieds, c'est pour que vous fassiez comme moi j'ai fait pour vous".

C'est la source et le signe du sacerdoce nouveau - du sacrement de l'Ordre - que Jésus le Christ vient d'instituer et de la succession apostolique : "Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Je vous ai donné l'exemple pour que vous agissiez comme j'ai agi envers vous ".

La succession apostolique

Les douze apôtres ont obéi ponctuellement à cet ordre de Jésus. Ils ont ordonné quand les temps sont venus, les disciples que l'Esprit Saint leur inspirait d'ordonner, cela de génération en génération jusqu'à nous. C'est ce qu'on appelle la succession apostolique.

Ces trois rites font toujours partie du rituel d'ordination. Le lavement des pieds est certes remplacé par le sacrement de Pénitence, mais l'ordinant agenouillé reçoit toujours aujourd'hui l'onction de l'huile sainte - le Saint Chrême - puis il est revêtu de la chasuble et des vêtements sacerdotaux, ainsi que le prescrit la Sainte Écriture.

Lorsque nous assisterons à ce grand rite du lavement des pieds le Jeudi Saint, dans notre paroisse, écoutons l'Évangile de Jean avec les oreilles de l'âme et recueillons-nous pour en percevoir tout le mystère.

Annoncer ainsi des vérités aussi hautes n'est pas réservé aux seuls initiés. Je le vérifie chaque jour, puisque j'utilise cette pédagogie avec les jeunes. "C'est super" me répondent-ils. Car ils sont ainsi à même de vérifier que le Donné Révélé s'enracine dans l'Histoire du Peuple de Dieu et dans l'histoire de l'humanité.

Afale Magazine n° 280 d'avril 2003

Auteur : Françoise Lucrot