L'histoire de Samson (Partie II)

De Ebior
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 L'histoire de Samson  : Partie II

(Livre des Juges 13 à 16) Partie I

Samson a été appelé par Dieu à être Juge de son Peuple Israël et à chasser les Philistins de son pays. Mais il a une âme de rebelle bien que nazir, consacré à Dieu, il est l'homme de tous les débordements.

Il n'obéit ni à ses parents, ni aux saintes lois de la Thora. Il ne se préoccupe guère de protéger les pauvres et les faibles si nombreux en Israë1. Seules l'intéressent les filles païennes. Sa conduite est bien vite indigne.

Il se sert de ses dons exceptionnels pour assouvir sa colère et sa vengeance, et non pour accomplir sa mission. Pourtant le Seigneur qui est en quête de l'homme part à sa recherche pour le faire revenir à Lui.

Samson prie-t-il ? On ne peut pas dire qu'il ne prie pas mais sa prière est toujours "intéressée". Quand il a soif il demande de l'eau à Dieu.

"C'est toi qui as opéré cette grande victoire par la main de ton serviteur, lui dit-il. Et maintenant, faut-il que je meure de soif et que je tombe aux mains des incirconcis ? ".

Dieu, bon et miséricordieux qui "comble de biens les affamés et les assoiffés", exauce sa prière :

Dieu fendit le rocher et il en sortit de l'eau (renouvelant le miracle du Sinaï). Ses esprits lui revirent et il se ranima ".

Mais il redevient vite esclave de ses pulsions, massacrant à tort et à travers. Certes l'époque est terrible et nous sommes encore loin de la Révélation des Béatitudes.

Samson et Dalila

La fureur des Philistins contre Samson ne connaîtra bientôt plus de bornes. Ils "veulent sa peau". Sûr de sa force, il les nargue sans vergogne.

Ceux-ci pensent le tenir à portée de leurs mains lorsque Samson s'éprend de Dalila, une prostituée de Gaza : "Attendons-le jusqu'au point du jour et nous le tuerons, disent-ils" Dalila est le prototype de la femme dangereuse, de la séductrice perverse, capable de détourner n'importe quel homme de sa mission. Les Philistins lui promettent une somme considérable si elle séduit Samson et obtient de lui qu'il lui dise d'où vient sa force pour trouver le moyen par lequel ils pourront se rendre maîtres de lui.

Ce qu'elle ne sait pas, elle l'adoratrice du faux dieu Dagon, l'idole des Philistins, c'est que le secret de Samson réside dans sa consécration à Dieu qui se matérialise dans ses cheveux longs. Tant qu'il les laisse pousser, il est encore (un peu) fidèle au Seigneur et Dieu est avec lui.

Jésus a été consacré à Dieu. Il était nazir, avait les cheveux longs. On peut encore voir, sur le linceul de Turin, la trace de la longue natte qu'il portait dans le dos.

Dalila va harceler Samson qu'elle sait vulnérable, pour lui arracher son secret :

"Apprends-moi, je te prie, d'où te vient ta grande force et avec quoi il faudrait te lier pour te maîtriser ?"

Trois fois, Samson lui racontera des "salades" "Si on me lie avec sept cordes d'arc fraîches et qu'on n'a pas encore fait sécher, je perdrai ma vigueur et je deviendrai comme un homme ordinaire ".

Elle le lie aussitôt avec les cordes d'arc fraîches et le trahit bientôt en appelant les Philistins pour l'arrêter : "Les Philistins sur toi, Samson !" Peine perdue, Samson rompt les cordes, mais ne rompt pas avec Dalila.

L'expérience ne lui sert pas de leçon. Dalila recommencera encore, à deux reprises.

"Si on prenait des cordes neuves qui n'ont jamais servi, je redeviendrais comme un homme ordinaire !", lui dit-il, ou "si on attache mes tresses avec une batte et je redeviendrais comme un homme ordinaire ". Elle l'endormit, puis tissa les sept tresses de sa chevelure avec la chaîne. A chaque fois, Dalila crie : "Les Philistins sur toi, Samson !"

A chaque fois, Samson déjoue le piège grâce à la puissance de la force, mais reste avec Dalila. Dalila est furieuse. Elle voit que Samson se joue d'elle et qu'elle ne l'aura pas facilement. Aussi va-t-elle lui jouer le grand jeu, car elle a compris qu'il est incapable de la quitter.

Samson renie sa consécration

Tant que Samson est fidèle si peu que ce soit à sa consécration de nazir, Dieu protège son prophète.

Mais il est maintenant entravé par l'adultère qui le lie à Dalila. 11 se croit libre car il est encore très fort. En fait, il est son esclave. I1 en est pour lui comme la drogue pour d'autres. Il est prisonnier du guêpier infernal de la luxure.

Il y a là une opposition tragique entre la force incroyable de Samson et la faiblesse de l'homme. C'est le premier enseignement de cette histoire.

Dalila va alors lui tendre un ultime piège dont il ne se sortira pas. Samson lui livre son secret : ses cheveux qui sont le signe de sa consécration, alors qu'il sait qu'elle ne vise qu'à le perdre pour le livrer aux Philistins. En reniant son identité de nazir, de consacré, nous dirions aujourd'hui de baptisé, il renie Dieu pour une prostituée, alors qu'il doit servir le Seigneur dans la fidélité et dans l'amour :

'Comme tous les jours elle le poussait à bout par ses paroles et elle le harcelait. Il fut excédé à en mourir. Il lui dit : "Le rasoir n'a jamais passé sur ma tête, car je suis nazir de Dieu dès le sein de ma mère. Si on me rasait, alors ma force se retirerait de moi, je perdrais ma vigueur et je deviendrai comme tous les hommes".

Dalila comprit alors qu'il lui avait ouvert son cœur, elle fit appeler les princes des Philistins et leur dit : "Venez cette fois, car il m'a ouvert son cœur". Ils vinrent chez elle l'argent en main. Elle endormit Samson sur ses genoux, appela un homme, qui lui rasa ses tresses des cheveux de sa tête. Et sa force se retira de lui. Elle cria : "les Philistins sur toi, Samson ! " S'éveillant de son sommeil il se dit : "J'en sortirai comme les autres fois. Je me dégagerai". Mais il savait que le Seigneur s'était retiré de lui.

Les Philistins se saisirent de lui, l'enchaînèrent. Ils lui crevèrent les yeux et le firent descendre à Gaza. Ils l'enchaînèrent avec une double chaîne d'airain et il tournait la meule dans la prison" 16, 16-21.

Samson est devenu â l'image du Peuple de Dieu qui se prostitue avec les idoles au lieu d'être fidèle à Dieu et à l'Alliance.

Mort de Samson

Samson met sa confiance en Dieu, mais en lui-même. Aussi sa servitude est-elle l'image et la conséquence de l'avilissement dans lequel il est tombé. Il fait maintenant tourner les meules des Philistins, comme les ânes, lui dont la dignité était si haute. Sa naissance n'avait-elle pas été annoncée par l'Ange du Seigneur ?

N'était-il pas nazir, consacré, et Juge d'Israël ?

Les Philistins, combles de la dérision, vont placer Samson au milieu du temple de Digon leur idole pour s'amuser de lui (et de Dieu), tel un clown, au cours de cérémonies liturgiques païennes, alors que sa place est dans le Temple où il doit louer Dieu avec son peuple. Quelle déchéance ! Ceux qui se détournent de Dieu ne s'avilissent-ils pas comme Samson, au service d'idoles immondes qui les asservit ?

Dieu l'attend. Au fond de la pire déréliction, Samson va se souvenir du Seigneur, se rappeler son identité, sa consécration et sa mission. Après qu'elle eût été rasée, sa chevelure se mit à repousser... Les princes des Philistins se réunirent pour offrir un grand sacrifice à Dagon et se livrer à des réjouissances.

"On le fit venir de sa prison et il fit des jeux devant eux. Puis on le plaça debout entre les colonnes. Samson dit alors au jeune garçon qui le menait par la main : "Conduis-moi et fais-moi toucher les colonnes sur lesquelles repose l'édifice que je m'y appuie. " Or, l'édifice était rempli d'hommes et de femmes qui regardaient les jeux de Samson, Samson invoqua le Seigneur et s'écria : "Seigneur, je t'en prie, souviens-toi de moi, donne-moi des forces encore une fois, Ô mon Dieu, et que d'un seul coup, je me venge des Philistins pour mes deux yeux".

Et Samson tâta les colonnes sur lesquelles reposait l'édifice, il s'arc-bouta contre elles, et il s'écria : "Que je meure avec les Philistins !". Il poussa de toutes ses forces et l'édifice s'écroula sur tout le peuple qui s'y trouvait"... verset 16,22.

La miséricorde du Seigneur va déployer alors toute sa puissance. Certes la prière de Samson n'est pas la prière "d'un cœur brisé et broyé", comme celle du roi David. Mais enfin. il prie et veut abattre les Philistins. Aussi Dieu écoute-t-il Samson, car il entend toujours le cri des malheureux. Et ce qui compte, ce ne sont pas nos paroles, mais notre cœur !

Dieu est en quête des hommes. Il est en quête de Samson et de la réalisation de sa mission malgré les événements tragiques de sa vie.

Ce n'est ni sa force exceptionnelle, ni ses astuces qui détruisent les Philistins de toutes les époques, c'est la force de Dieu qui se révèle à travers la faiblesse d'hommes et de femmes de Dieu, saints, humbles et fidèles qui suivent sa voie, dans une confiance absolue. Nous l'avons vu avec Jeanne d'Arc !

Dieu est fidè1e. Les parents de Samson étaient fidèles. Leur prière pour leur fils était fidèle. Quand Samson n'est plus qu'une loque humaine, et se tourne vers Dieu, Celui-ci va alors manifester sa puissance et délivrer son peuple.

Fier de sa force impressionnante, ne comptant que sur lui, il se croyait invincible. Dieu reste toujours en quête de l'homme quel que soit l'abîme où il est tombé, pauvre et dénué de tout, plaçant sa confiance en Lui, il vaincra ses vainqueurs. Sa faute est bien grande, Dieu voulait la délivrance d'Israël de l'occupation des Philistins, par leur extermination, qui n'est que la conséquence de la violence de Samson.

Pourtant le Seigneur, à travers cette histoire tragique, manifeste sa miséricorde à son Peuple. C'est en Israël, quand les temps seront accomplis, que naîtra Jésus-Christ Notre Seigneur à une époque tout aussi fertile en violences affreuses. C'est ce que commentent Saint Aelred de Rievaulx (Père de l'Eglise 1110 - 1167).

Samson est la figure du Christ notre Seigneur - Aelred de RIEVAULX

Les liens des impies m'ont enlacé, se plaignait le psalmiste (Ps 118,61).

C'est muni de ces liens que le chef des Philistins cherche à s'emparer de Samson tout impatient de jouir des embrassements de Dalila. Vous connaissez bien, frères, le conflit qu'opposait Samson et les Philistins ; comment ligoté une, deux, trois fois par eux, il arracha ses liens, rompit les cordes et s'en alla libre. On criait : Les Philistins sur foi, Samson ! Mais tous leurs efforts restaient vains.

Finalement, un jour que Samson dormait dans les bras de la prostituée, on fit entrer un tondeur qui lui rasa la chevelure ; on lui creva les yeux, on le mit à tourner la meule. Ensuite, le prenant pour jouet, on le tourna en dérision jusqu'au moment où, s'arc boutant aux deux colonnes sur lesquelles reposait tout l'édifice, il fit périr, par sa propre mort une multitude de Philistins.

Le nom de Samson veut dire "soleil". Samson est assurément la figure du Soleil de justice (Ma 13, 20), le Christ notre Seigneur" vraie Lumière illuminant tout homme venant en ce monde (Jean 1, 9). Soleil issu du Soleil, Lumière née de la Lumière, Dieu né de Dieu (Symbole de Nicée), il se couvre du néant de notre faiblesse, descend dans la vallée de Soreq, autrement dit en ce monde ; enchaîné par le lien de sa charité, il cherche les embrassements de Dalila le prostituée, c'est-à-dire les baisers de l'Eglise des païens qui auparavant s'était prostitués avec le bois et la pierre, et rendait un culte adultère sous tout arbre verdoyant et sur toute colline boisée (2 Rois 16).Elle s'appelle Dalila, c'est à dire "La " Malheureuse ". C'est à elle que s'adresse Isaïe : 0 malheureuse, battue des vents, inconsolée (Is 54,11). C'est elle, la centième brebis que le Bon Pasteur a aimée au point d'abandonner les quatre-vingt dix-neuf autres dans la montagne ; il est venu la chercher dans le Val de Soreq ; pour elle, il lui a donné sa vie.

Mais voici le Philistin qui s'approche : il veut enlacer le second Adam dans les lieux même qui renversèrent le premier Adam, lorsqu'il le tenta. Ces liens, ce sont la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l'ambition de ce monde, c'est-à-dire : les chaînes du plaisir, de la vanité, du désir de posséder (1 Jean 2,16). (...)

0 mon Jésus, mon Samson, mon Soleil, pourquoi donc te lasses-tu prendre, attacher, maîtriser ? Tu t'es endormi dans les bras de Dalila, la prostituée, captivé par ton amour pour elle. 0 amour ardent et doux, brûlant prodigieusement, qui te dépouille de ta grandeur, qui transforme ta puissance en faiblesse, qui anéantit ta majesté ! 0 amour enivrant, qui suspend par une sorte d'assouplissement ta souveraineté divine, comme pour ignorer ta propre puissance, afin d'éprouver seulement l'amour que te porte ta bien-aimée ! J'ai été trahi, dit-il, mais je ne me suis pas échappé (Ps 87,9).

Sa splendeur se cachait, on ne voyait que sa faiblesse ; il ne laissait pas apercevoir la violence de sa douleur pour qu'on reconnaisse la violence de son amour. Et pourquoi cela ? Parce qu'il donnait sa vie pour ses brebis et voulait se présenter à lui-même cette prostituée devenue son Eglise, resplendissante, sans tache ni ride aucune (Eph 5, 27)

Ayons une confiance absolue en Dieu. Il est en quête de tout homme. Seul Il peut nous arracher à ce qui entrave notre mission - car nous avons tous une mission prévue de toute éternité.

Pistes de réflexion
  • Lire et écouter les chapitres 14-15-16 du livre des Juges
  • Quelle est la vraie faute de Samson ?
  • Comment, à travers lui, Dieu prépare-t-il la venue de Jésus-Christ ?
  • Quel enseignement peut-on en tirer pour nous aujourd'hui ?
  • PRIER avec le Psaume 50

Auteur : Françoise LUCROT

Afale Magazine,  n° 294 Novembre 2004