L'encyclique VERITATIS SPLENDOR, la Splendeur de la Vérité ou la Vérité au Service de la Vérité
QUAND LE PAPE PARLE
" On en parle: le succès de la nouvelle encyclique de JEAN PAUL II VERITATIS SPLENDOR (La Splendeur de la Vérité) - la dixième - promulguée presque jour pour jour au 15e anniversaire de son accession au pontificat (en 1993), en témoigne: mobilisation de tous les médias, TV, presse, radios ... et 200.000 exemplaires vendus en deux semaines! Le seul groupe Mame/Plon annonce en avoir personnellement diffusé 120.000 et il y a cinq autres éditeurs.
Cette "performance" succède à celle du CATECHISME de L'EGLISE CATHOLIQUE: 500.000 exemplaires, soit le plus gros score de librairie en 1992 !
Rappelons encore que PACEM lN TERRIS (de JEAN XXIII) avait presque atteint de cap des 400.000!
C'est que nos contemporains ressentent profondément vivre en pleine babel intellectuelle, politique et économique. Ils éprouvent donc, en profondeur, le besoin de retrouver une Parole forte qui redonne sens et unité à leur vie. Et c'est ainsi, tout naturellement, qu'un texte signé du Pape devient une référence obligée.
LE CONTEXTE
Annoncée dès 1987 (lettre apostolique Spiritus Dominus du 1er août 1987), cette encyclique constitue un texte capital, examinant pour la première fois dans une encyclique les fondements de la doctrine morale de l'Eglise.
Sa préparation s'est poursuivie pratiquement durant sept ans et, durant tout ce laps de temps, JEAN PAUL II s'est entouré, en vue de la rédaction finale, des avis de toutes les personnes autorisées: clercs ou laïcs.
JEAN PAUL II exposait lui-même en 1987 qu'il entendait y traiter profondément et amplement des questions concernant la morale.
Il observe aujourd'hui que VERITATIS SPLENDOR fait suite logiquement au CATECHISME de L'EGLISE CATHOLIQUE et constitue,en fait, une application pour notre temps de la portée du Message divin, des commandements de Dieu et des préceptes évangéliques.
LES REACTIONS
Certains feignent de s'étonner: "Le succès de Veritatis Splendor, sur la morale, défie le bon sens". Sidérés, ils observent: "Dans la seule journée du 14 octobre à Paris, la Procure a vendu 3.000 ouvrages, 1.240 dans l'édition Mame/Plon, 1.140 au Cerf, 577 chez Assas-Editions, 450 au Centurion. (Le MONDE 17.10.93)". Téqui n'est pas cité dans l'article!
Or, toujours selon Henri Tincq, VERITATIS SPLENDOR serait "un long réquisitoire tranchant, un catalogue des controverses byzantines, une succession de réflexions entrecoupées d'interminables citations, rarement illustrées par des exemples concrets ... J'en saute et des meilleures. "
Au-delà de l'humeur et de l'expression d'une sensibilité intellectuelle confrontée à, et heurtée par ce roc de conviction qu'est JEAN PAUL II, le discours, par son acidité même, illustre et met en exergue l'actualité et la nécessité d'une réflexion sur la morale à cette époque où tout le monde (familles, jeunes, médecins, scientifiques, croyants ou non) se dit déboussolé, à la recherche, consciemment ou inconsciemment, d'une norme.
Un des familiers du Pape résume très bien: "C'est un texte qui veut susciter l'éducation à une liberté responsable.
Le bon sens populaire ne s'y est pas trompé comme en témoigne l'importance de la diffusion de l'ouvrage dans les bibliothèques de gare et les supermarchés.
Ainsi, dans VERITATIS SPLENDOR, la volonté quasi-pathétique du Saint Père rejoint et répond à l'attente de nos contemporains.
LA LIGNE DIRECIRICE
Dès le premier chapitre, JEAN PAUL II, à partir du dialogue de Jésus avec le jeune homme riche (Chap. 19 de St Matthieu), souligne le lien (pressenti par le jeune homme riche) entre le bien moral et le plein épanouissement de la destinée humaine (§ 8).
L'idée centrale de VERlTATIS SPLENDOR est que:
"Jésus porte à leur accomplissement les commandements de Dieu, en particulier le commandement de l'amour du prochain en intériorisant et en radicalisant ses exigences Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour (§ 15). ... La Parole de Jésus révèle la dynamique particulière de la croissance de la liberté ... et le rapport fondamental de la liberté humaine avec la Loi divine. La liberté de l'homme et la Loi de Dieu ne s'opposent pas, mais au contraire s'appellent mutuellement (§ 17)."
PRIMAT DE L'ECRITURE SAINTE ET DE LA TRADITION APOSTOLIQUE
JEAN PAUL II appuie toujours ses réflexions sur la Parole de Dieu, telle qu'exprimée dans l'Ancien et le Nouveau Testaments, la Tradition apostolique et les textes du Magistère inspirés par l'Esprit Saint Vatican II est surabondamment cité, notamment les Constitutions DEI VERBUM, LUMEN GENTIUM et GAUDIUM et SPES.
VERITATIS SPLENDOR est un hymne à la Vérité divine et à la liberté de l'homme. "La splendeur de la Vérité se reflète dans toutes les oeuvres du Créateur et, d'une façon particulière, dans l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu" (Pré-introduction).
Tout au long du document, le Pape ne cesse d'étayer son enseignement sur des citations qu'il puise dans les textes majeurs de la Révélation. Il souligne avec force: "L'Église ne peut que confirmer la validité permanente de la Révélation et s'inscrire dans le sillage de l'interprétation qu'en donne la grande Tradition dont témoignent la doctrine des Pères, la vie des saints, la liturgie de l'Église et l'enseignement du Magistère (§ 27).
Au paragraphe 45, nous lisons de même: "L'Église accueille avec reconnaissance tout le dépôt de la Révélation et le conserve avec amour". En outre, l'Église reçoit comme un don la Loi Nouvelle qui est l'accomplissement de la Loi de Dieu en JESUS-CHRIST.
UN LIEN A RESTAURER: VERITE ET LIBERTE
Le Pape précise que La Révélation enseigne que le pouvoir de décider du bien et du mal n'appartient pas à l'homme, mais à Dieu seul.... Dieu, qui seul est bon, connaît parfaitement ce qui est bon pour l'homme en vertu de son amour même, il le lui propose dans les commandements (§ 35).
La loi morale naturelle a Dieu pour auteur et l'homme, par sa raison, participe à la Loi éternelle qu'il ne lui appartient pas d'établir (§ 36). La loi morale vient de Dieu et trouve toujours en Lui sa source(§, 40). La liberté de l'homme et la Loi de Dieu ne s'opposent pas, mais au contraire s'appellent mutuellement (§ 17).
Le Pape rappelle dans cet esprit, en citant l'épître aux Galates : "C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés (§ 3) et enseigne: "Seule la liberté qui se soumet à la vérité conduit la personne à son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la Vérité et de faire la Vérité (§ 84). A contrario, l'autonomie de la raison ne peut pas signifier la création de valeurs et de normes morales par la raison (humaine) elle-même (§ 40). L'homme ne saurait être à lui-même son propre projet d'existence (§ 46).
LA LOI MORALE VIENT DE DIEU ET TROUVE TOUJOURS EN LUI SA SOURCE (§ 40)
Toutefois: La conscience morale n'enferme pas l'homme dans une solitude insurmontable et impénétrable, (au contraire) elle l'ouvre à l'appel, à la voix de Dieu (§ 58).
Le verdict de la conscience demeure aussi comme un gage d'espérance et de miséricorde. Tout en dénonçant le mal, il rappelle le pardon à demander, le bien à faire et la vertu à rechercher toujours, avec la grâce de Dieu.
Ainsi, dans le jugement pratique de la conscience... se révèle le lien entre la liberté et la vérité (§ 61).
Certains parlent, nous dit JEAN PAUL II, à juste titre de théonomie ou de théonomie participée, parce que l'obéissance libre de l'homme à la Loi de Dieu implique effectivement la participation de la raison et de la volonté humaines à la sagesse et à la providence de Dieu. (§ 41). Et... Les actes humains sont des actes moraux parce qu'ils expriment et déterminent la bonté ou la malice de l'homme qui les accomplit.
Ils ne produisent pas seulement un changement d'état ... mais ils qualifient moralement la personne qui les accomplit. A ce sujet, le Pape observe en citant Saint Grégoire de Nysse: Tous, les êtres soumis au devenir ne demeurent jamais identiques à eux-mêmes, mais ils passent continuellement d'un état à un autre par un changement qui s'opère toujours en bien ou en mal. ... Or, être sujet au changement, c'est naître continuellement. ... Mais ici la naissance ne vient pas d'une intervention étrangère. ... Elle est le résultat d'un choix libre et nous sommes ainsi, en un sens, nos propres parents,nous créant nous-mêmes. ... nous façonnant selon le modèle que nous choisissons (§ 71).
Tel est le sens profond de la liberté de l'homme: notre participation personnelle à la réalisation du projet d'amour de Dieu à commencer en nous-mêmes.
La fermeté de l'Église dans sa défense des normes morales universelles immuable n'a donc (pour l'homme) rien d'humiliant. Elle ne fait que servir la vraie liberté de l'homme, du moment qu'il n'y a pas de liberté en dehors de la vérité, ni contre elle (§ 96).
Je ne veux pas terminer ce paragraphe sans souligner l'attention portée par le Saint Père à "la totalité unifiée de la personne humaine".
JEAN PAUL II rappelle l'enseignement constant de l'Église sur l'UNITÉ de l'être humain, dont l'âme rationnelle est per se et essentialiter la forme du corps. Le corps et l'âme sont indissociables dans la personne. Ils demeurent, se perdent (ou se sauvent) ensemble.
(D'où l'impossibilité de toute réincarnation).
L'homme est une âme qui s'exprime dans un corps et un corps animé par un esprit immortel ... La loi naturelle ainsi comprise ne laisse pas la place à la séparation entre la liberté et la nature humaines. Celles-ci sont harmonieusement liées entre elles et intimement alliées l'une avec l'autre. (§ 48, 49, 50).
Mise à jour : 17/02/2005
Auteur : Louis LUCROT (AFALE France)
Publié dans l’AFALE Magazine n° 188 de Novembre 1993